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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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Certains se tournèrent vers la foule
hostile, en baissant leur col pour montrer leur gorge nue, comme pour dire aux
alliés déchaînés de Clodius : « Si vous voulez le tuer, il faudra
nous tuer avant. »
    Cicéron avait l’habitude de témoigner. Il l’avait fait au
moins une dizaine de fois contre les conjurés de Catilina au cours de la seule
année précédente. Mais jamais il n’avait eu à affronter une telle arène, et le
préteur urbain dut suspendre l’audience jusqu’à ce que l’ordre pût être
rétabli. Clodius l’observait, les bras croisés et la mine sombre : il
avait dû trouver le comportement des jurés profondément troublant. Sa femme,
Fulvia, était assise à ses côtés pour la première fois depuis le début du
procès. C’était assez malin de la part de la défense de la montrer, car elle n’avait
que seize ans et semblait davantage être sa fille qu’une femme mariée – tout
à fait le genre de jeune fille vulnérable susceptible de faire fondre le cœur d’un
jury. Elle descendait en outre de la famille des Gracques, qui jouissait d’une
popularité immense auprès du peuple. Elle avait un visage dur et vicieux, mais
le fait d’être mariée à Clodius aurait certainement suffi à endurcir la nature
la plus douce.
    Lorsque, enfin, le premier avocat de la partie plaignante,
Lentulus Crus, fut prié d’interroger les témoins, un silence attentif s’installa.
Il traversa l’estrade pour rejoindre Cicéron.
    — Bien que le monde entier sache qui tu es, serais-tu
assez aimable pour décliner ton identité.
    — Marcus Tullius Cicéron.
    — Jures-tu par tous les dieux de dire la vérité ?
    — Je le jure.
    — Connais-tu l’accusé ?
    — Oui.
    — Où se trouvait-il l’année dernière, entre la sixième
et la septième heure, le jour des mystères de la Bonne Déesse ? Peux-tu
donner cette information à la cour ?
    — Oui, je me le rappelle très bien, dit Cicéron avant
de se détourner de l’avocat pour faire face au jury. Il était chez moi.
    Un murmure d’excitation parcourut l’assistance et le jury.
    — Menteur ! lança très distinctement Clodius, et
sa claque déclencha une nouvelle salve de railleries.
    Le préteur, qui s’appelait Voconius, rappela le public à l’ordre.
Il fit signe à l’avocat de continuer.
    — Il n’y a aucun doute là-dessus ? questionna
Crus.
    — Absolument aucun. D’autres chez moi l’ont vu aussi.
    — Quel était le but de sa visite ?
    — Une simple visite de courtoisie.
    — Serait-il possible, à ton avis, que l’accusé ait pu,
après être passé chez toi, se rendre à Interamna avant la tombée de la nuit ?
    — Pas à moins d’avoir mis des ailes à son costume de
femme.
    Les rires fusèrent. Clodius lui-même sourit.
    — Fulvia, épouse de l’accusé, qui est également
présente, assure qu’elle se trouvait à Interamna avec son mari le soir en
question. Qu’as-tu à répondre ?
    — Je réponds que les délices de la vie maritale ont de
toute évidence tant altéré son jugement qu’elle ne sait même plus quel jour de
la semaine on est.
    Les rires furent encore plus prolongés et, une nouvelle
fois, Clodius y mêla le sien tandis que Fulvia regardait droit devant elle, son
visage évoquant le poing d’un enfant, petit, blanc et serré : c’était déjà
une terreur à l’époque.
    Crus n’avait pas d’autres questions, et il retourna s’asseoir
sur le banc des plaignants, cédant sa place à l’avocat de Clodius, Curion. C’était
sans aucun doute un vrai brave sur le champ de bataille, mais les tribunaux n’étaient
pas son terrain de prédilection, et il s’approcha du grand orateur à la façon d’un
gosse apeuré qui tâte un serpent avec un bâton.
    — Mon client compte depuis longtemps au nombre de tes
ennemis, j’imagine ?
    — Pas du tout. Jusqu’à ce qu’il commette cet acte
sacrilège, nous entretenions des relations très amicales.
    — Mais alors, il a été accusé de ce crime et tu l’as
abandonné ?
    — Non, sa raison l’a abandonné, et alors il a commis le
crime.
    Il y eut encore des rires. L’avocat de la défense parut
ennuyé.
    — Tu dis que mon client est passé te voir le 4 décembre
dernier ?
    — Effectivement.
    — N’est-il pas louche que tu se souviennes aussi
commodément que Clodius est venu te voir précisément ce jour-là ?
    — Je dirais que ce qui est louche en matière de dates

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