Conspirata
monarchie
corrompue.
— Pompée ne veut pas être monarque ! Il a
démantelé son armée. Tout ce qu’il veut, c’est travailler avec le sénat, et
tout ce qu’il reçoit, ce sont des refus. Et, loin de corrompre Rome, il a fait
plus que n’importe qui au monde pour étendre la puissance de notre république !
— Non, protesta Caton en secouant énergiquement la
tête, tu te trompes. Pompée a soumis des peuples avec lesquels nous n’étions
pas en conflit, il est entré sur des territoires où nous n’avions rien à faire
et il a rapporté des richesses que nous n’avons pas gagnées. Il va nous
détruire. Mon devoir est de l’en empêcher.
Pour sortir d’une telle impasse, le cerveau agile de Cicéron
lui-même ne parvint pas à trouver d’issue. Il retourna voir Pompée plus tard
dans l’après-midi pour lui faire part de son échec et le trouva dans la
pénombre, broyant du noir devant la maquette de son théâtre. L’entrevue fut
trop courte pour que je puisse prendre la moindre note. Pompée écouta les
nouvelles, émit un grognement et, alors que nous partions, lança à Cicéron :
— Je veux qu’Hybrida soit rappelé tout de suite de
Macédoine.
Cicéron risquait alors de connaître de graves problèmes
personnels car il était déjà harcelé par les créanciers. Non seulement il
devait encore une somme considérable pour la maison du Palatin, mais il avait
aussi fait l’acquisition de plusieurs autres propriétés, et si Hybrida cessait
de lui envoyer sa part des bénéfices sur la Macédoine – qu’il avait
enfin commencé à lui verser –, il se retrouverait dans une situation
périlleuse. Sa solution fut de faire en sorte que le gouvernement de Quintus en
Asie soit prolongé d’une année supplémentaire. Il put alors toucher du Trésor
les fonds qui auraient dû servir à défrayer son frère de ses dépenses (il avait
les pleins pouvoirs en tant qu’administrateur de ses biens) et remit toute la
somme à ses créanciers pour les calmer.
— Ne me regarde pas avec cet air de reproche, Tiron, me
prévint-il alors que nous sortions du temple de Saturne avec un bon du Trésor d’un
demi-million de sesterces soigneusement rangé dans ma cassette à documents.
Sans moi, il ne serait pas gouverneur du tout, et puis je le rembourserai.
Malgré tout, je plaignis beaucoup Quintus, qui n’appréciait
guère son séjour dans cette immense et lointaine province étrangère, et qui
aspirait à rentrer chez lui.
Au cours des quelques mois qui suivirent, tout se déroula
comme Cicéron l’avait prédit. Crassus, Lucullus, Caton et Celer firent
obstruction aux projets de loi de Pompée au sénat, et Pompée s’en remit à un
tribun de ses amis appelé Fulvius, qui présenta un nouveau projet de loi
agraire devant l’assemblée populaire. Celer s’opposa alors à cette proposition
avec une telle violence que Fulvius le fit incarcérer. Le consul réagit en
faisant démonter le mur du fond de la prison, de sorte qu’il put continuer à
attaquer la loi depuis sa cellule. Une telle fermeté affichée réjouit tellement
le peuple et discrédita tant Fulvius que Pompée finit par renoncer à son projet
de loi. Caton parvint ensuite à éloigner l’ordre équestre du sénat en privant
les chevaliers de l’immunité juridique et en refusant également d’annuler les
dettes que beaucoup avaient contractées pour faire de la spéculation financière
peu avisée en Orient. Si ces deux actions étaient parfaitement justifiées d’un
point de vue moral, elles étaient désastreuses d’un point de vue politique.
Pendant cette période, Cicéron s’exprima très peu en public
et se limita strictement à ses activités juridiques. Il se sentait très isolé
sans Quintus ni Atticus, et je le surprenais souvent à soupirer et marmonner
quand il se croyait seul. Il dormait mal, se réveillait au milieu de la nuit et
restait allongé, l’esprit en ébullition, incapable de se rendormir avant l’aube.
Il me confia que, durant ces insomnies, pour la première fois de sa vie, il
était hanté par des pensées de mort, comme le sont souvent les hommes de cet
âge – il avait quarante-six ans. « Je me sens tellement
abandonné, écrivit-il à Atticus, que les seuls moments qui me reposent sont
ceux que je passe avec ma femme, avec ma fille chérie, avec mon charmant petit
Marcus. J’ai des amitiés politiques, toutes extérieures, toutes fardées, bonnes
seulement pour le
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