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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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lorsqu’il détecte une proie potentielle ? Eh bien, c’est tout à
fait ce qu’évoquait César en cet instant précis. Son profil d’aigle se pencha d’abord
vers la gauche puis vers la droite, avant qu’il ne tende un long doigt pour
faire signe à son licteur de tête. Il désigna Caton.
    — Emmenez-le, ordonna-t-il d’une voix rauque.
    Le licteur proxime paraissait hésiter.
    — J’ai dit, répéta César d’une voix terrible, emmenez-le !
    Le garde affolé ne se le fit pas dire deux fois. Il
rassembla une demi-douzaine de ses collègues et descendit l’allée en direction
de Caton, qui continua de parler alors même que les licteurs montaient sur les
bancs pour s’emparer de lui. Deux hommes le saisirent chacun par un bras et le
traînèrent vers la porte pendant qu’un autre rassemblait tous ses comptes du
Trésor sous les yeux horrifiés des sénateurs.
    — Que devons-nous faire de lui ? s’enquit le
licteur proxime.
    — Enfermez-le dans le carcer , décréta César, et
qu’il fasse profiter les rats de sa sagesse.
    Tandis qu’on poussait Caton hors de la curie, certains
sénateurs commencèrent à s’élever contre un tel traitement. Le grand stoïque
passa juste devant moi, sans résister mais sans cesser de vociférer au sujet d’un
point obscur concernant les forêts campaniennes. Celer se leva de son banc et
se précipita à sa suite, suivi de près par Lucullus puis par le propre collègue
consulaire de César, Marcus Bibulus. Il me semble qu’une trentaine ou une
quarantaine de sénateurs durent se joindre à la procession. César descendit de
son estrade et tenta d’intercepter certains de ceux qui sortaient. Je me
souviens de l’avoir vu attraper le bras du vieux Petreius, le commandant qui
avait défait l’armée de Catilina à Pise.
    — Petreius ! lança-t-il. Tu es un soldat, comme
moi. Pourquoi pars-tu ?
    — Parce que, répondit Petreius en se dégageant, je
préférerais être en prison avec Caton qu’ici avec toi !
    — Alors vas-y ! cria César dans son dos. Allez-y
tous ! Mais souvenez-vous de ceci : tant que je serai consul, la
volonté du peuple ne sera pas éludée par des subterfuges de procédure ou des
coutumes ancestrales. Cette loi sera présentée au peuple, et, que cela vous
plaise ou non, elle sera votée avant la fin du mois.
    Il regagna sa chaise à grands pas et foudroya la chambre du
regard, défiant quiconque de remettre en cause son autorité.
    Cicéron, très mal à l’aise, resta à sa place tandis que l’appel
reprenait et, après la séance, fut arrêté devant la curie par Hortensius, qui
lui demanda sur un ton de reproche pourquoi il ne les avait pas suivis.
    — Ne me fais pas grief d’une situation dans laquelle tu
nous as mis, rétorqua Cicéron. Je vous ai tous avertis de ce qui se passerait
si vous continuiez à traiter Pompée avec autant de mépris.
    Je savais néanmoins qu’il était très gêné et, dès qu’il le
put, il s’empressa de rentrer à la maison.
    — J’ai réussi à me mettre tout le monde à dos, se
plaignit-il pendant que nous gravissions la côte. Je ne tire aucun bénéfice de
mon soutien à César, et ses ennemis m’accusent d’être un renégat. Décidément,
je suis devenu un vrai génie de la politique !
     
    En temps normal, César n’aurait jamais pu faire passer sa
loi agraire ou aurait pour le moins dû faire des compromis. Il trouva d’abord
et surtout une opposition de la part de son collègue au consulat, M. Bibulus,
patricien fier et irascible qui avait eu le malheur de suivre la carrière des
honneurs en même temps que César et avait donc été tellement éclipsé par lui
que l’on ne se souvenait jamais de son nom.
    — Je suis las de jouer les Pollux auprès de ce Castor,
déclara-t-il un jour, plein de ressentiment, en jurant que maintenant qu’il
était consul, ce serait différent.
    César avait également contre lui pas moins de trois tribuns,
Ancharius, Calvinus et Fannius, qui exercèrent chacun leur veto. Mais César
était bien décidé à obtenir gain de cause, quel qu’en fût le prix, et il entama
rien moins que la destruction délibérée de la constitution romaine – j’espère
qu’il sera pour cela maudit à jamais par l’humanité tout entière.
    D’abord, il intégra dans son projet de loi une clause
exigeant que chaque sénateur prêtât serment – sous peine de mort – de
ne jamais tenter d’abroger la loi une fois qu’elle serait

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