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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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différence, assura Balbus avec
un sourire éclatant. Cela reste entre nous, d’accord ?
    Ses sourcils dansèrent de plaisir. Il fit courir sa petite langue
rose sur le bord de ses larges dents blanches.
    — La commission officielle comptera vingt membres, mais
il y aura un petit comité limité à cinq commissaires qui prendront toutes les
décisions. César serait très honoré – vraiment très honoré – si
tu acceptais d’en faire partie.
    La proposition prit Cicéron au dépourvu.
    — Ah oui vraiment ? Et qui seraient les quatre
autres ?
    — À part toi, il y aurait César, Pompée, un autre qui
reste encore à choisir, et…
    Balbus s’interrompit pour ménager son effet, pareil à un
magicien s’apprêtant à faire surgir un oiseau exotique d’un panier vide.
    — … et Crassus.
    Jusque-là, Cicéron avait traité le négociant avec une sorte
de condescendance amicale – un peu comme un personnage de farce, un
de ces intermédiaires suffisants qui surgissent souvent en politique. Mais il
le considérait à présent avec étonnement.
    —  Crassus ? répéta-t-il. Mais Crassus
tolère à peine de se trouver dans la même ville que Pompée. Comment
va-t-il faire pour siéger avec lui dans une commission de cinq membres ?
    — Crassus est un très bon ami de César. Et Pompée est
aussi un très bon ami de César. César joue donc les marieuses, dans l’intérêt
de l’État.
    — Dans leur intérêt à eux, tu veux dire ! Ça ne
marchera jamais.
    — Cela marchera très certainement. Ils se sont
rencontrés tous les trois et se sont mis d’accord. Et contre une telle
alliance, rien d’autre à Rome ne pourra se dresser.
    — Si tout est déjà réglé, en quoi serais-je utile ?
    — En tant que Père de la Patrie, tu disposes d’une
autorité unique.
    — On me fait donc venir au dernier moment pour donner
au tout une apparence de respectabilité ?
    — Pas du tout, pas du tout. Tu serais un partenaire à
part entière, absolument. César m’autorise à te dire qu’aucune grande décision
concernant la direction de l’Empire ne serait prise sans que tu ne sois
consulté avant.
    — Donc, cette commission restreinte agira en fait comme
le gouvernement exécutif de l’État ?
    — Exactement.
    — Et combien de temps durera-t-elle ?
    — Pardon ?
    — Quand sera-t-elle dissoute ?
    — Elle ne sera jamais dissoute. Elle sera permanente.
    — Mais c’est scandaleux ! Nous n’avons pas de
précédent dans l’Histoire. Ce serait le premier pas en direction de la
dictature !
    — Mon cher Cicéron, vraiment !
    — Nos élections annuelles perdraient tout leur sens.
Les consuls deviendraient de simples marionnettes, le sénat pourrait aussi bien
ne plus exister. Ce comité restreint contrôlerait l’attribution de toutes les
terres et les impôts…
    — Elle apporterait la stabilité…
    — Ça deviendrait une kleptocracie.
    — Serais-tu en train de repousser la proposition
de César ?
    — Dis à ton maître que j’apprécie sa considération et
que je n’ai nul désir d’être autre chose que son ami, mais il ne s’agit pas là
de quelque chose que je puisse accepter.
    — Bon, dit Balbus, manifestement consterné, il sera
très déçu – en fait, cela va le peiner –, et il en sera de même
pour Crassus et Pompée. Évidemment, ils veulent l’assurance que tu ne feras pas
opposition.
    — Je n’en doute pas !
    — Oui, ils y tiennent. Ils ne cherchent pas la dissension,
mais si elle doit survenir, tu dois comprendre qu’ils sont prêts à y faire
face.
    Cicéron fit un gros effort pour se contrôler.
    — Tu peux leur dire que je me suis battu pendant plus d’une
année pour le compte de Pompée afin d’assurer un règlement équitable à ses
soldats – en dépit, dois-je ajouter, de l’opposition acharnée de
Crassus. Tu peux leur dire que je ne reviendrai pas là-dessus. Mais je ne veux
pas participer à un accord secret visant à établir un gouvernement par le biais
d’une cabale. Cela reviendrait à ridiculiser tout ce que j’ai toujours défendu
au cours de ma carrière. Je crois que tu trouveras la sortie tout seul.
    Après le départ de Balbus, Cicéron resta un moment
silencieux dans sa bibliothèque tandis que, sur la pointe des pieds, je remettais
de l’ordre dans sa correspondance.
    — Non mais tu imagines ? finit-il par me dire. M’envoyer
ce marchand de tapis de Gades pour me proposer au rabais un

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