Conspirata
ne
puisse y avoir qu’un verdict.
— Et il devra être soumis à l’approbation de Pompée – ne
t’imagine pas un seul instant que tu pourras revenir à ton ancienne manie de t’opposer
à toutes ses volontés. Nous devons garantir à ses hommes qu’ils pourront
conserver leurs fermes et confirmer les colonies en Orient… peut-être même lui
accorder un second consulat.
— Cela fait beaucoup à avaler d’un seul coup. Ne
risquons-nous pas d’échanger un tyran contre un autre ?
— Non, assura Cicéron avec beaucoup de conviction.
César appartient à une tout autre catégorie d’hommes. Pompée désire simplement
diriger le monde. César n’aspire qu’à le réduire en miettes pour le
reconstruire à son image. Et puis il y a encore autre chose…
Il s’interrompit, cherchant ses mots.
— Quoi ? Il est plus intelligent que Pompée, je
lui reconnais ça.
— Oh oui, oui, bien sûr, il est cent fois plus
intelligent. Mais non, ce n’est pas ça… c’est plus… je ne sais pas… il a comme
une sorte de détachement divin – du mépris pour le monde lui-même, si
tu veux… comme s’il pensait que tout n’est qu’une vaste plaisanterie. Bref,
cela – quel que soit le nom qu’on puisse lui donner – le
rend difficile à maîtriser.
— Tout cela est bien philosophique, mais je vais te
dire comment on peut le maîtriser. C’est très simple. On lui passe une épée en
travers de la gorge et tu verras qu’il meurt comme n’importe qui. En tout cas,
il faut procéder avec lui comme il le ferait avec nous : rapidement et
impitoyablement, et au moment où il s’y attend le moins.
— Qu’est-ce que tu suggères ?
— Demain soir.
— Non, c’est trop tôt, protesta Cicéron. Nous ne
pouvons pas agir seuls. Il faut que nous trouvions des alliés.
— Alors César risque d’en entendre parler. Tu sais
combien il a d’informateurs.
— Je ne parle que d’une demi-douzaine d’hommes, tout au
plus. Tous de confiance.
— Qui ?
— Lucullus. Hortensius. Isauricus – il a
encore beaucoup d’influence et il n’a jamais pardonné à César d’être devenu
grand pontife. Et peut-être Caton.
— Caton ! railla Celer. On en sera encore à
discuter de l’éthique du problème quand César sera mort de vieillesse !
— Je n’en suis pas certain. Caton a été le plus
virulent à demander qu’on agisse contre la clique de Catilina. Et puis le
peuple le respecte presque autant qu’il aime César.
Le plancher grinça et Celer posa un doigt sur ses lèvres.
— Qui est là ? appela-t-il.
La porte s’ouvrit. C’était Clodia. Je me demandai depuis
combien de temps elle écoutait et ce qu’elle avait pu entendre. Celer se posait
visiblement la même question.
— Qu’est-ce que tu fais là ? l’interrogea-t-il.
— J’ai entendu des voix. J’allais sortir.
— Sortir ? dit-il sur un ton suspicieux. À cette
heure ? Qu’est-ce que tu vas faire dehors ?
— Qu’est-ce que tu crois ? Voir mon frère, le
plébéien. Pour fêter ça !
Celer jura, saisit le pichet de vin et le lança en direction
de sa femme. Mais elle était déjà partie et le pichet s’écrasa sans grands
dommages contre le mur. Je retins mon souffle pour voir comment elle allait
réagir, mais j’entendis simplement la porte d’entrée s’ouvrir et se refermer.
— Quand pourras-tu rassembler les autres ? s’enquit
Celer. Demain ?
— Mieux vaut dire le jour d’après, répondit Cicéron,
qui n’en revenait toujours pas de l’échange auquel il venait d’assister. Pour
ne pas donner à penser que nous agissons dans l’urgence et risquer que César l’apprenne.
Retrouvons-nous chez moi, après-demain, après la clôture des affaires
publiques.
Le lendemain matin, Cicéron rédigea les invitations lui-même
et me chargea de faire le tour de la ville pour les remettre en mains propres à
leurs destinataires. Ils furent tous les quatre très intrigués, d’autant plus
que tout le monde avait déjà entendu parler de l’agrégation de Clodius à la
plèbe. Lucullus me dit même, avec son sourire froid et dédaigneux :
— Qu’est-ce que ton maître veut donc comploter avec moi ?
Un meurtre ?
Mais ils acceptèrent tous de venir – même Caton,
qui ne se montrait pas en règle générale très sociable – parce qu’il
étaient tous très inquiets de ce qui se passait. Le projet de loi de Vatinius
proposant d’accorder à César
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