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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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tout.
    — Tiron, habille-toi, me dit-il d’une voix tendue. Il
est temps de se mettre en route.
    Pendant que j’enfilais mes souliers, il me raconta ce qui s’était
passé. À la fin du dîner, Postumia avait trouvé un prétexte pour lui parler
seul à seul.
    — Elle m’a pris le bras et m’a demandé de faire le tour
de la terrasse avec elle, me confia Cicéron, et j’ai cru un instant qu’elle
allait me proposer de prendre la place de César dans son lit car elle était
légèrement ivre et sa robe était pratiquement ouverte jusqu’aux genoux. Mais
non : il semble que ses sentiments pour César soient passés du désir à la
haine viscérale, et tout ce qu’elle veut, c’est le trahir. Elle assure que
César et Servilia sont faits l’un pour l’autre et qu’il n’y a pas plus
impitoyables qu’eux. Elle dit – et là, je la cite mot pour mot :
« Servilia veut devenir femme de consul et César se plaît à baiser les
femmes de consul, alors quelle union pourrait être mieux assortie ? Ne
fais pas attention à ce que prétend mon mari. César fera tout ce qui est en son
pouvoir pour faire gagner Silanus. »
    — Est-ce que ce serait une si mauvaise chose ?
demandai-je stupidement, car j’étais encore à moitié endormi. Je croyais que tu
disais que Silanus était un type ennuyeux mais respectable, et parfait pour les
hautes fonctions.
    — Bien sûr que je veux qu’il gagne, imbécile ! C’est
ce que veulent les patriciens et c’est apparemment ce que veut César aussi.
Silanus est donc assuré d’être élu. La vraie bagarre va se jouer pour la
deuxième place – et là, à moins d’être extrêmement prudent, c’est
Catilina qui va l’emporter.
    — Mais Servius est tellement confiant…
    — Pas confiant, corrigea Cicéron, présomptueux – ce
qui est exactement ce que César veut qu’il soit.
    Je m’aspergeai le visage d’eau froide. Je commençais enfin à
me réveiller. Cicéron était déjà presque sorti de la chambre.
    — Puis-je te demander où nous allons ? lançai-je.
    — Dans le Sud, répondit-il par-dessus son épaule. Dans
la baie de Naples, voir Lucullus.
     
    Il laissa un mot d’explication à Terentia et nous partîmes
avant son réveil. Nous voyageâmes en voiture fermée pour éviter d’être reconnus – précaution
nécessaire car on eût dit que la moitié des membres du sénat, fatigués par l’hiver
interminable à Rome cette année-là, se rendaient aux bains chauds de Campanie.
Nous avions réduit l’escorte pour aller plus vite, et seuls deux hommes
assuraient la protection du consul : un chevalier à la carrure
impressionnante qui avait pour nom Titus Sextus, et son frère tout aussi
solidement bâti, Quintus : ils allaient à cheval, l’un devant nous et l’autre
derrière.
    À mesure que le soleil montait, l’air se réchauffait, la mer
devenait plus bleue, et les fragrances de mimosas, d’herbes sèches et de pins
odorants envahirent peu à peu la voiture. J’écartais de temps en temps le
rideau pour contempler le paysage, et je me fis le serment que si jamais j’acquérais
un jour cette petite ferme que je désirais tant, ce serait par ici, dans le
Sud. Cicéron, lui, ne vit rien. Il dormit pendant tout le trajet et ne se
réveilla qu’en fin d’après-midi, alors que nous étions cahotés sur la voie
étroite qui menait à Misène, où Lucullus avait sa… bon, j’allais appeler sa
demeure une maison, mais le terme ne convient guère pour décrire le palais des
délices, la Villa Cornelia, qu’il avait achetée et fait agrandir sur la côte.
    Elle se dressait sur le promontoire où est enseveli le
héraut des Troyens, et jouissait de la vue peut-être la plus enchanteresse d’Italie,
de l’île de Prochyta jusqu’aux hauteurs de Caprae en passant par le bleu
merveilleux de la baie de Naples. Une douce brise caressait le sommet d’une
avenue de cyprès, et en descendant de notre voiture poussiéreuse, nous eûmes l’impression
de fouler le paradis.
    Lorsqu’il apprit qui se trouvait dans son jardin, Lucullus
vint nous accueillir en personne. Il avait dans les cinquante-cinq ans,
semblait très maniéré et languissant, et commençait à s’épaissir : à le
voir ainsi en tunique grecque et chaussons de soie, jamais on n’aurait pu
croire que c’était un grand général, le plus grand même depuis Scipion ;
il évoquait plutôt un maître à danser vieillissant. Cependant, le détachement
de

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