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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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pendant encore un moment.
    — Pompée ne sera pas content.
    — Il va falloir que Pompée accepte que d’autres que lui
puissent triompher dans cette république.
    — Et qu’est-ce que ça te rapporte ?
    — L’honneur de te proposer la gloire éternelle.
    — Foutaises.
    Lucullus s’essuya enfin la bouche, et le fragment de poisson
disparut.
    — Tu ne vas pas me faire croire que tu as fait
cinquante milles dans la journée juste pour me dire ça ?
    — Oh, par tous les dieux, tu es trop rusé pour moi, imperator  !
s’exclama Cicéron avec un sourire flatteur. Très bien, j’avoue que je voulais
aussi m’entretenir d’une question politique avec toi.
    — Vas-y.
    — Je crois que nous courons à la catastrophe, dit
Cicéron, le ton soudain grave.
    Il repoussa son assiette puis, rassemblant toute son
éloquence, entreprit de décrire l’état de la république en les termes les plus
sévères, insistant tout particulièrement sur le soutien de César à Catilina et
sur le programme révolutionnaire de ce dernier prévoyant d’annuler les dettes
et de confisquer les biens des plus riches. Il n’eut pas besoin de préciser
quelle menace cela constituerait pour Lucullus, qui vivait dans son palais au
milieu de l’or et des soieries : c’était parfaitement évident. Le visage
de notre hôte s’assombrissait à mesure que Cicéron parlait. Quand Cicéron en
eut terminé, Lucullus prit tout son temps pour répondre.
    — Alors, tu crois vraiment que Catilina pourrait gagner
le consulat ?
    — Oui. Silanus arrivera premier, et lui sera élu en
second.
    — Il faut absolument l’en empêcher.
    — Je suis bien d’accord.
    — Et qu’est-ce que tu proposes ?
    — Eh bien, c’est ce qui m’amène. J’aimerais que tu
célèbres ton triomphe la veille des élections consulaires.
    — Pourquoi ?
    — J’imagine que, pour le défilé, tu projettes de faire
venir à Rome plusieurs milliers de tes vétérans de tous les coins de l’Italie ?
    — Effectivement.
    — Que tu les recevras somptueusement et les
récompenseras généreusement sur le butin de tes victoires ?
    — Bien entendu.
    — Et qu’ils écouteront donc tes conseils sur le
candidat à soutenir pour ces élections consulaires ?
    — J’imagine que oui.
    — Auquel cas, je sais exactement pour qui ils devraient
voter.
    — Ça ne m’étonne pas, commenta Lucullus avec un sourire
cynique. Tu penses à ton grand allié Servius, non ?
    — Oh non, répliqua Cicéron avec dédain, pas lui. Le
pauvre n’a pas une chance. Non, je pense à ton ancien légat – et leur
ancien compagnon d’armes – Lucius Murena.
    Aussi habitué que je fusse aux méandres des stratagèmes de
Cicéron, je n’avais pas imaginé un instant qu’il pourrait abandonner Servius
avec une telle promptitude. Pendant un moment, je n’en crus pas mes oreilles.
Lucullus avait l’air tout aussi surpris que moi.
    — Je croyais que Servius comptait parmi tes plus
proches amis ?
    — Il s’agit de la République romaine, répliqua Cicéron,
pas d’une coterie d’amis. Évidemment que mon cœur me presse de voter pour
Servius. Mais ma tête me dit qu’il ne pourra pas battre Catilina. Alors que
Murena, avec ton soutien, pourrait tout juste y arriver.
    Lucullus se renfrogna.
    — J’ai un problème avec Murena. Son plus proche
lieutenant en Gaule n’est autre que ce monstre dépravé, mon ancien beau-frère – un
personnage dont le nom me fait tant horreur que je refuse de me salir la bouche
en le prononçant.
    — Eh bien, c’est moi qui le prononcerai pour toi,
repartit Cicéron. Moi non plus, je n’aime pas beaucoup Clodius. En politique,
toutefois, on ne peut pas toujours choisir ses amis ou ses ennemis. Pour sauver
la république, je dois abandonner un vieux compagnon qui m’est cher. Pour
sauver la république, tu dois soutenir l’allié de ton pire ennemi.
    Il se pencha par-dessus la table et ajouta à voix basse :
    — Ainsi le veut la politique, imperator , et si
jamais vient le jour où nous n’aurons plus le courage de faire ce travail-là,
il nous faudra quitter la vie publique et nous contenter d’élever des
poissons !
    Je craignis un instant qu’il ne fût allé trop loin. Lucullus
jeta sa serviette et jura qu’il n’était pas prêt à subir un chantage pour
trahir ses principes. Mais, comme d’habitude, Cicéron avait bien évalué le
personnage. Il laissa Lucullus fulminer tout son soûl puis

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