Constantin le Grand
Rome. Les enfants et les femmes ne furent pas épargnés : ainsi cette jeune vierge, Eulalie, martyrisée à Mérida.
Ce ne sont là que quelques noms, quelques visages parmi les milliers qui rejoignirent Christos dans la souffrance acceptée, la fidélité proclamée.
J’ai prié dans ma chambre, protégé malgré moi de la tempête de mort qui sévissait.
Une nuit, la porte s’est ouverte et Constantin est entré alors que j’étais à genoux.
— En Gaule, en Bretagne, là où Constance Chlore gouverne, pas un chrétien n’a souffert des édits de Dioclétien, a-t-il murmuré en se penchant sur moi.
Puis il s’est redressé et a ajouté :
— Je suis le fils de Constance Chlore.
DEUXIÈME PARTIE
8
J’ai vécu plus de deux années au cœur de cette tempête de mort.
J’ai vu les prétoriens s’avancer en rangs serrés et fracasser à coups de hache les portes de l’église située en face du palais impérial. Puis ils ont brûlé les livres sacrés et détruit le sanctuaire.
J’ai entendu, j’ai imaginé les cris de souffrance et les prières des chrétiens du palais que l’on suppliciait.
J’ai martelé ma porte. J’ai hurlé ma foi. Je voulais mêler ma voix à celles des martyrs. Je réclamais de les rejoindre. Je n’étais pas un déserteur, un des lapsi , un apostat.
J’implorai Dieu pour qu’il m’accordât la grâce de Lui prouver ma fidélité. Et j’ai espéré qu’une sentinelle ou qu’un esclave, en entendant mes prières à Christos, la proclamation de ma foi, courrait me dénoncer auprès d’un tribun ou d’un régisseur.
À chaque fois que la porte s’est ouverte et que j’ai vu se profiler l’ombre d’un prétorien, je me suis avancé, mon corps et mon âme préparés à recevoir les coups, les chaînes.
Mais le soldat s’effaçait ou bien l’esclave se retirait, me laissant seul avec Constantin.
Le fils de Constance Chlore avait pris l’habitude de me rendre quotidiennement visite, souvent à la tombée de la nuit.
Il pouvait rester longtemps silencieux, assis en face de moi, m’écoutant alors que je le suppliais de me laisser quitter le palais, affronter la tempête de mort. Et Dieu déciderait alors de mon sort.
Constantin se contentait de pencher sa lourde tête, le buste immobile, ses larges mains posées à plat sur ses cuisses.
Souvent il murmurait : « Je t’ai entendu, Denys. »
Je me taisais, sachant qu’il ne céderait pas à mes supplications, et je l’interrogeais alors sur ce qu’il savait de cette grande persécution qui n’épargnait, comme il me le répétait, que la Bretagne et la Gaule, provinces que son père gouvernait.
Dans toutes les autres nations de l’Empire, de la Syrie à l’Illyrie, d’Antioche à Sirmium, de l’Égypte à l’Italie, d’Alexandrie à Rome, de la Grèce à la Cisalpine, d’Athènes à Milan, les empereurs Dioclétien et Maximien, et le césar Galère étaient obéis.
Les églises se changeaient en décombres, les corps des chrétiens en cendres. Ne survivaient que ceux qui se cachaient dans le désert, dans les forêts ou dans les catacombes, ou ceux, si nombreux, qui devenaient apostats. Leur chair palpitait encore, mais leur âme était cadavre.
Et moi, Denys, je survivais.
Je recommençais alors à supplier Constantin de me laisser me livrer afin que Dieu sût combien je Lui étais fidèle, que je pusse enfin mesurer la profondeur de ma foi et l’attention que Dieu me portait, le destin qu’il avait dessiné pour moi.
Un jour, au moment de quitter la chambre, alors que je le sollicitais une nouvelle fois, le menaçant de tout tenter pour m’enfuir, lui disant même que je n’hésiterais pas à avouer qu’il m’avait retenu prisonnier afin de me soustraire aux obligations impériales, Constantin est revenu vers moi.
— Et si ton Dieu t’avait déjà choisi, si ton sort était d’être à mes côtés, s’il te fallait comprendre cela ? Pourquoi refuses-tu le chemin sur lequel tu te trouves ? a-t-il demandé.
Il m’a dévisagé, puis il a marmonné qu’à compter du lendemain matin il ordonnerait aux sentinelles de ne plus surveiller ma porte. Je pourrais quitter la chambre, le palais impérial, me livrer aux prétoriens de l’empereur, affronter les supplices et les ours dans l’arène.
— Tu es libre, Denys. Mais ne te trompe pas. Interroge ton Dieu. Essaie de deviner ce qu’il attend de toi.
Il a ouvert les bras et
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