Constantin le Grand
de moi et me livrent aux bourreaux.
J’ai hésité sur le seuil de ma chambre, puis j’ai refermé la porte.
Je me suis à nouveau agenouillé.
Dieu lançait un défi à chacun de Ses fidèles et à Son peuple de croyants. Il voulait savoir si nous étions capables d’opposer notre foi et notre fidélité à ce déchaînement de cruauté, à cette Grande Persécution voulue par Dioclétien, Maximien et Galère, dont le but était de ne laisser que ruines chrétiennes, corps et âmes morts.
Il fallait pour ces deux empereurs et pour ce césar que régnent à nouveau sans partage, sur tout l’Empire, les idoles païennes, que cesse la croissance du christianisme, qu’on en arrache toutes les racines.
Si un homme pouvait, au sommet de l’Empire, arrêter cette tempête de mort, laisser fleurir les pousses chrétiennes, ce ne pouvait être que le fils de Constance Chlore.
Je ne devais donc pas mourir dans l’arène. Le temps n’était pas venu pour moi de rejoindre Christos, la paix et la vie éternelles par la souffrance et la mort.
Dieu m’avait placé aux côtés de Constantin pour l’enseigner, le guider, prier pour lui.
Tel devait être mon choix.
9
Je n’ai plus quitté Constantin.
J’étais à ses côtés, ce 1er mai de l’an 305, quand l’empereur Dioclétien s’est avancé seul, d’un pas lent, dans la grand-salle du palais impérial de Nicomédie.
Derrière lui, au-delà des colonnes et des rangs de prétoriens casqués tenant à deux mains leurs javelots, j’apercevais l’infini bleuté du ciel et de la terre.
Le monde allait changer. Dieu le voulait.
Après vingt ans de règne, Dioclétien avait décidé d’abdiquer, entraînant avec lui, ainsi qu’il l’avait décidé, le second empereur, Maximien. Constance Chlore remplacerait ce dernier à l’Occident, et le césar Galère succéderait à l’Orient, comme empereur jupitérien, à Dioclétien.
Lorsque Constantin m’a annoncé ces nouvelles, il a gardé les yeux clos comme pour mieux imaginer ce qui pouvait advenir.
Serait-il le césar de son propre père ? Recevrait-il l’autorisation de rejoindre la capitale d’Occident, Trêves, ou bien serait-il gardé par Galère à Nicomédie et poussé à combattre contre les barbares, les gladiateurs, les ours, afin qu’un jour la mort vienne le transpercer et le déchirer ?
Constantin n’a pas sollicité mes conseils, mais il m’a demandé de prier pour lui, devant lui, murmurant qu’il avait besoin de l’aide de tous les dieux, et donc aussi de celui des chrétiens, ce Christos tout-puissant. Il ne m’a pas dissimulé qu’il demandait à ses prêtres de sacrifier au temple de Jupiter et d’Apollon, et d’invoquer pour lui la protection de Sol invictus . Il a même ajouté qu’il saurait un jour quel était le dieu qui dominait tous les autres, celui qui était en somme l’empereur divin. Car, a-t-il murmuré, il ne croyait pas qu’il fut possible, comme Dioclétien avait tenté de le faire pour l’Empire, de régner à plusieurs, que ce fut dans les Cieux ou sur la Terre.
— Dieu et l’empereur sont uniques. Le pouvoir est Un et ne se peut partager.
J’ai prié pour que Constantin reconnaisse la suprématie de Christos le Ressuscité.
Et maintenant, ce 1er mai 305, je guettais les gestes de l’empereur Dioclétien.
Enveloppé dans son grand manteau de pourpre, il regardait autour de lui les centurions, les tribuns, les gouverneurs, les légats, les conseillers, tous ceux dont le destin risquait de changer, l’empereur qu’ils servaient se retirant dans son palais de Spalatum, en Illyrie, sa province natale.
Dioclétien a commencé à ouvrir les bras et j’ai eu tout à coup l’impression qu’un aigle déployait ses ailes rougeâtres.
Il s’est approché de Galère, et je n’ai plus pu détacher mes yeux de cet homme de haute taille, presque difforme tant son ventre était proéminent, dont le visage était parcouru de tics. Il était d’une laideur cruelle. S’il décidait du sort de Constantin, celui-ci ne pouvait être que funeste. Or Galère allait être le premier des empereurs. Il désignerait les deux césars : celui qui l’assisterait et celui qui seconderait Constance Chlore.
Je savais – et Constantin ne pouvait en douter – que jamais Galère n’autoriserait le fils à devenir le césar de son père.
Dioclétien s’est immobilisé à quelques pas de Galère.
— Tu es le premier des augustes,
Weitere Kostenlose Bücher