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Constantin le Grand

Constantin le Grand

Titel: Constantin le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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vie.
     
    Je n’ai donc pas rejoint les miens dans l’arène.
    Mais, souvent, je me suis agenouillé au bord du fleuve, enfonçant mes mains dans le sable gris et froid.
    J’en recueillais une poignée dans mes paumes. Je portais ce sable à mes lèvres, le laissais s’écouler entre mes doigts.
    Couleur de cendre, il était la chair et l’âme des miens.
    Puis je priais pour que l’exemple de leur sacrifice m’inspirât et me guidât jusqu’au jour où Christos enfin m’appellerait à lui.

 
     
4
    J’ai connu plusieurs vies avant ma propre vie.
    Mon père et les plus anciens des chrétiens m’ont guidé en ces temps qui précédèrent ma naissance.
    Les noms des martyrs d’alors me sont devenus familiers.
    Il me semble que j’ai connu Pothin et Blandine et les autres suppliciés de Lugdunum. J’étais dans ces autres villes de Gaule, Clermont et Mende, où l’on torturait Cassius, Victorin et Privât. Je fermais les yeux après avoir écrit le nom de Fructuosus, brûlé vif à Tarragone, ou celui de Cyprien, décapité à Carthage.
    Ma main tremble avant de tracer le nombre 300, car j’ai vu chacun de ces trois cents chrétiens précipités dans la chaux vive à Utique.
    Les voix de mon père et des anciens envahissent ma tête comme si j’étais assis devant eux à les écouter me parler de ces empereurs Dèce, Gallus et Valérien qui avaient, par leurs édits, condamné les chrétiens à se renier ou à mourir.
    J’en ai tremblé de colère et d’émotion.
    Ma main a hésité à écrire, à montrer les supplices, à évoquer les souffrances, la joie d’être fidèle à Christos, mais aussi le soulagement que je devinais chez beaucoup de chrétiens à renoncer, à devenir apostats pour conserver leur pauvre vie.
     
    Je me souviens de Petros.
    Il parlait lentement comme pour me laisser le temps de graver en moi chacun des mots, des noms qu’il prononçait, des scènes qu’il décrivait.
    C’était un chrétien d’Alexandrie dont les jambes avaient été tranchées au-dessus du genou. Il n’était plus qu’un tronc qui réussissait cependant à se déplacer, se balançant d’avant en arrière, prenant appui sur les mains, les muscles des bras si gonflés, leurs veines saillantes et bleues, qu’ils paraissaient sur le point d’éclater.
    Il était vieux, mais son visage demeurait lisse, apaisé. Il avait été courrier impérial, sillonnant les provinces d’Orient, se rendant souvent à Rome, admis dans les palais, apportant les dépêches des légats à l’empereur et les réponses que leur faisait ce dernier.
    — J’étais le messager de la mort ou de la vie, m’avait-il résumé.
    Puis il s’était redressé comme pour me donner à imaginer le corps juvénile qui avait été le sien.
    — J’étais plus fougueux que mon cheval ! avait-il ajouté en souriant.
     
    Petros m’avait parlé de Philippe l’Arabe, un empereur à la peau sombre, aux gestes alanguis, à la voix suave.
    — Il marchait vers Christos, avait murmuré Petros. Son épouse Marcia Severa lui assurait que les chrétiens n’étaient pas des impies aux mœurs corrompues, aux rites cruels.
    L’empereur avait souhaité participer à une veillée de prières et c’était Petros qui l’avait conduit jusqu’à cette assemblée de fidèles réunis au bord du Tibre, en aval de Rome.
    L’empereur avait écouté, le visage grave, comme un pénitent, les actions de grâces qui s’élevaient en ce jour qui avait vu la résurrection de Christos. Il avait été ému par la ferveur et la fraternité qui unissaient les chrétiens. Petros avait cru que Philippe l’Arabe allait renoncer aux dieux païens, solliciter le baptême, être le premier empereur chrétien.
    J’ai imaginé son espérance.
     
    Plusieurs fois au cours de ma vie, ou bien dans ces vies antérieures que je parcourais, j’ai imaginé moi aussi que le moment était venu, que nous avions montré à Dieu que nous étions prêts à recevoir ce don : l’Empire en héritage.
    J’avais été comme un enfant qui tend les mains, croyant saisir le présent qu’on lui offre mais qui, tout à coup, se dérobe. Les mains restent vides. Il faut attendre encore.
    Telle fut ma vie, et celle de Petros.
     
    Il avait baissé la tête, semblant fixer les plis de sa tunique qui dissimulaient ses moignons.
    Retourné à Alexandrie, m’avait-il raconté, il avait retrouvé une ville en furie. Les prêtres égyptiens sortaient des temples, appelant à la

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