Contes populaires de toutes les Bretagne
projeté de voler.
Il lui demanda :
— Est-il bien gras ?
Le bedeau, effrayé, jeta sa charge.
— Attends, dit le voleur à celui qu’il croyait son
compère. J’ai mon grand couteau pour lui couper la gorge !
Voilà l’épouvante qui saisit le recteur et le bedeau. Le
bedeau, qui était très alerte, s’enfuit à toutes jambes, mais le recteur qui
gisait sur le sol se sentait perdu, car il ne pouvait se relever de lui-même.
De son côté, le voleur de noix n’en menait pas large et croyait que les démons
s’étaient donné rendez-vous sur la place de l’église : il chargea son sac
sur son dos et se précipita bien loin. Or, par malheur, il n’avait pas eu le
temps de nouer son sac et tout le contenu s’en répandit sur le chemin.
Le recteur, toujours à terre et tentant de se remettre sur
pieds, hurlait à qui mieux mieux réveillant tous les échos du bourg. Des
lumières apparurent aux fenêtres et on se demandait ce qui se passait. Quant à
celui qui était allé voler le mouton, en entendant tout ce raffut, il préféra
abandonner sa proie et rentrer chez lui à toutes jambes. Voilà comment nos deux
voleurs en furent pour leurs frais et ne réussirent pas à prendre ce qu’ils
avaient convoité.
Pont-Scorff (Morbihan).
Ce
conte, recueilli en 1911, appartient au folklore universel : il rappelle
le célèbre fabliau du Moyen Âge intitulé Estula et qui met en scène deux voleurs
et le curé du village. Mais dans le fabliau, les deux voleurs s’en vont avec
leur butin, tandis que le conte breton respecte la morale.
LE SAC DE BELZIG
Il y avait une fois un petit garçon du nom de Belzig. Il
avait une belle-mère qui le rendait très malheureux. Elle l’envoyait garder les
moutons dans les landes, du matin au soir, sans autre nourriture qu’un morceau
de pain noir tout sec. Lorsqu’il ramenait son troupeau, elle trouvait toujours
un prétexte pour le gourmander, pour l’injurier et même pour le battre. Et elle
le faisait coucher dans l’étable sur un peu de paille.
Un soir qu’il venait de ramasser une croûte qu’elle lui
avait jetée comme à un chien, trois étrangers se présentèrent devant lui. Ils
lui demandèrent l’hospitalité pour la nuit et un morceau de pain.
— Oui, répondit l’enfant. Prenez place sur ma paille et
partageons cette croûte de pain.
Or, ces trois étrangers, c’étaient Jésus, saint Pierre et
saint Jean. Le lendemain matin, Jésus dit au jeune pâtre :
— Tu nous as accueillis avec bienveillance. En
récompense, tu peux former un vœu : il sera accompli.
— Oh ! dit Belzig, pour si peu ! vous ne me
devez rien du tout.
L’étranger – Belzig ne savait pas que c’était Jésus –
insista, et le jeune pâtre était fort indécis.
— Demande le paradis, lui souffla le second personnage.
— Non, dit Belzig, celui qui le gagnera l’aura.
Donnez-moi plutôt un biniou qui fasse danser tout le monde à ma volonté.
Immédiatement, il tint l’instrument dans ses mains. Le troisième
étranger s’approcha et lui fit la même proposition. Le second lui souffla
encore :
— Demande le paradis.
— Oh ! non ! dit Belzig. Je ne l’ai pas
encore gagné. J’aimerais mieux un fusil qui tuerait de lui-même tout le gibier
qu’il rencontrerait.
Le fusil lui fut donné. Vint le tour du second personnage,
celui qui lui soufflait à l’oreille de demander le paradis.
— Je puis t’ouvrir le paradis, dit-il, le
veux-tu ?
— Mais non, mais non, nous verrons plus tard, dit
Belzig. Pour le moment, donnez-moi un sac dans lequel je pourrai enfermer tous
ceux qui me déplairont.
Saint Pierre, car c’était lui qui conseillait de demander le
paradis, soupira tristement, mais il lui donna le sac.
Le lendemain, le petit garçon abandonna ses moutons et s’en
alla chasser. Le soir, quand le troupeau revint seul à l’étable, la belle-mère
frémit de colère, mais quand elle eut aperçu Belzig chargé d’un lièvre, d’un
lapin, de six perdrix et de deux cailles, sa surprise fut immense, et elle se
calma après que le jeune pâtre les lui eut donnés. Elle eut aussitôt l’idée de
préparer un grand dîner en l’honneur de son frère le prêtre, et d’y convier ses
amis et ses connaissances. Belzig crut naturellement qu’il allait enfin se
régaler une fois dans sa vie, mais, au moment du repas, on lui jeta, comme
d’habitude une croûte de pain dans l’étable.
Belzig ne fut guère satisfait et il décida
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