Contes populaires de toutes les Bretagne
de se venger. Il
se blottit dans un arbre en face de la salle à manger, et lorsqu’il vit par la
fenêtre que le succulent dîner était servi, et que les bouteilles de vin
étaient débouchées, il prit son biniou et se mit à jouer tout doucement. La
belle-mère fut très surprise : elle soupçonna quelque maléfice et se leva
de table. Elle aperçut le petit fripon dans son arbre et se dirigea vers lui. Alors
il souffla plus fort. Elle se mit à esquisser des pas de danse. Son frère, le
prêtre, scandalisé, se préparait à lui faire des remontrances, mais il ne put
s’avancer qu’en cadence et en mesure. Cela fit bien rire toute l’assemblée.
Belzig joua de plus en plus fort, tant et si bien que tous les invités, pris de
vertige, s’assemblèrent dans une ronde folle qui renversa la table, piétina les
plats, brisa les bouteilles et prit un bain de pied dans le bon vin. Tout le
monde criait grâce, et l’enfant s’enfuit. Restés seuls, le frère et la sœur
conclurent que Belzig était possédé du diable et qu’il fallait le lui livrer.
Le soir suivant, quand Belzig revint à son étable, le diable
l’y attendait.
— Tu m’appartiens, dit le diable. Viens avec moi.
— Eh ! mon sac ! dit Belzig.
Aussitôt le diable fut enfermé dans le sac. Belzig le porta
à l’église et le mit dans le bénitier. Le diable hurla et fit un raffut
terrible. Puis il demanda grâce et jura qu’il allait rentrer dans son enfer
d’où il ne sortirait plus. Alors Belzig le laissa partir.
Quant à Belzig, il s’en alla par le monde, avec son fusil
qui tuait tout le gibier qu’il rencontrait, son biniou qui obligeait les gens à
danser et son sac dans lequel il mettait les gens qu’il voulait. Il accomplit
maintes prouesses et maintes sottises. Il commit beaucoup de péchés sans
s’occuper de ce qui lui arriverait. Puis un jour, il mourut. Alors il se
rappela qu’il avait refusé le paradis, et il fut bien ennuyé. Sûrement que
saint Pierre ne le laisserait pas entrer maintenant.
Il s’en alla vers l’Enfer. Mais dès qu’il l’aperçut, le
diable fit fermer les portes à double tour et se cacha lui-même au fond de son
antre, tellement il avait peur de Belzig. Belzig, tout déconcerté, se décida à
tenter sa chance vers le Paradis.
— Ah ! te voilà ! dit saint Pierre. Que
veux-tu ?
— Entrer au Paradis, mon bon saint Pierre.
— Comment ? dit saint Pierre. Tu oses me demander
cela alors qu’autrefois tu as préféré un sac pour y fourrer tous ceux que tu
voudrais y mettre ! C’est un peu fort ! Tu n’as qu’à aller ailleurs.
— Mais personne ne veut de moi. Je ne sais pas où
aller.
— Tu n’as qu’à te mettre dans ton sac, dit saint
Pierre.
— C’est juste, dit Belzig, mais auparavant, j’aimerais
jeter un coup d’œil sur ce qui se passe dans le Paradis.
— C’est vite dit. Pour que tu puisses jeter un coup
d’œil il faudrait que j’ouvre la porte.
— Oh ! mon bon saint Pierre, seulement
l’entrouvrir. Je veux simplement jeter un tout petit coup d’œil.
— Bon, dit saint Pierre, mais juste un petit coup
d’œil…
Il entrouvrit la porte du Paradis. Belzig, qui tenait son
sac à la main, le lança brusquement à travers l’entrebâillement de la porte. Et
il dit :
— Sac ! reçois-moi !
Immédiatement Belzig se retrouva dans son sac, à l’intérieur
du Paradis. Saint Pierre était un peu penaud et avait le sentiment d’avoir été
joué.
— Veux-tu sortir ! s’écria-t-il à l’adresse de
Belzig.
Mais Belzig répliqua :
— Je ne suis pas dans ton paradis, mais dans mon sac.
Et il y est encore.
Hennebont (Morbihan).
Il
s’agit ici d’une variante du conte recueilli par Émile Souvestre et publié par
lui sous le titre « le Bonnet de Moustache ». En fait, on y retrouve
le thème des objets merveilleux venus de l’Autre-Monde et qui permettent au
héros de surmonter toutes ses difficultés. Ce thème est entièrement païen à
l’origine et il est ici christianisé avec discrétion.
LE TRÉSOR CACH É
Dans une paroisse des environs d’Auray, il y avait une croix
sous laquelle, disait-on, un trésor avait été enfoui. Évidemment, on ignorait
l’importance qu’il pouvait avoir et l’époque à laquelle il avait été caché. Les
vieux qui racontaient cela aux plus jeunes l’avaient entendu eux-mêmes de leurs
parents. Cependant, on parlait d’une barrique remplie de pièces d’or et on
disait
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