Contes populaires de toutes les Bretagne
les trois jeunes filles. Mais elles étaient
voilées, et leur père les avait fait s’habiller autrement que d’habitude. Il
aurait été très difficile de reconnaître la jeune fille en blanc. Cependant,
grâce au bout du petit doigt qui manquait à son pied gauche, le jeune homme la
reconnut aisément. Il alla vers elle sans hésiter, et c’est elle qu’il épousa
sur-le-champ.
Mais le monsieur n’était guère satisfait de ce mariage. Il
avait bien espéré que son domestique ne réussirait pas les épreuves qu’il lui
avait imposées. Le soir des noces, il fit dresser le lit des jeunes époux juste
au-dessus d’un souterrain, et il le fit suspendre au plafond par quatre cordes.
Quand les jeunes mariés furent couchés le père vint à la chambre et
demanda :
— Mon gendre, dors-tu ?
— Non, répondit le jeune homme.
Quelque temps après, le père revint et demanda :
— Mon gendre, est-ce que tu dors ?
— Non, répondit-il.
Il s’en alla, mais il revint une troisième fois et posa la
même question. Alors le jeune homme, sur les conseils de sa femme, fit semblant
de dormir et ne répondit rien.
Le père était à peine parti que la fille en blanc dit à son
mari :
— Ne perds pas de temps. Cours à l’écurie. Là, tu
prendras le cheval qui s’appelle Petit-Vent. Tu le selleras rapidement, et
quand je te rejoindrai, nous nous enfuirons.
Peu après que le jeune homme fut parti, le maître du château
revint à la chambre et demanda :
— Ma fille, dors-tu ?
— Non, mon père.
Il revint une deuxième fois.
— Ma fille, dors-tu ? demanda-t-il encore.
— Non, répondit-elle.
Il revint une troisième fois et posa la même question. Mais
il n’eut aucune réponse. Alors le monsieur alla trouver sa femme et lui
dit :
— Ils dorment. Viens avec moi. Nous allons nous
débarrasser d’eux.
Ils coupèrent les cordes et le lit tomba avec fracas dans le
souterrain. Alors, le maître du château, qui n’avait pas pris de lumière pour
ne pas réveiller les jeunes mariés, dit à sa femme :
— Maintenant, les voilà tués, et nous ne les reverrons
plus.
Cependant, la jeune fille en blanc avait quitté le lit avant
que son père ne revînt la troisième fois. Elle se hâta d’aller rejoindre son
mari.
— Ah ! malheureux ! dit-elle. Tu as pris Grand-Vent
au lieu de Petit-Vent ! Tant pis, nous n’avons plus le temps de nous
attarder, mais cela sera cause de la mort de quelqu’un. Sauvons-nous au plus
vite.
Le cheval les emporta dans la nuit, plus rapide que le vent.
À un moment, la jeune fille en blanc dit à son mari :
— Ne vois-tu rien par derrière nous ?
— Non, je ne vois rien.
Quelque temps après, elle demanda encore :
— Est-ce que tu ne vois rien derrière nous ?
— Non, rien.
— Regarde encore : je suis sûre qu’il y a quelque
chose !
— Tu as raison, dit-il, j’aperçois comme un grand nuage
de feu.
Alors la jeune fille en blanc prit sa baguette et en frappa
trois coups en disant :
— Que Grand-Vent se change en jardin, que je sois
changée en poirier et que mon mari soit changé en jardinier.
Le monsieur et sa femme, qui étaient à la poursuite des
jeunes époux, s’arrêtèrent près du jardin.
— N’avez-vous pas vu, demandèrent-ils au jardinier, un
petit bonhomme à cheval qui passait par là avec une jeune fille en blanc ?
— Trois poires pour un sou, répondit le jardinier.
— Ce n’est pas cela que je demande. Avez-vous vu passer
un petit bonhomme et une jeune fille en blanc ?
— Quatre pour un sou parce que c’est vous, répondit le
jardinier.
— Est-il bête, cet homme ! dit le monsieur. Et ils
continuèrent leur poursuite.
Quand ils furent partis, la jeune fille en blanc, son mari
et Grand-Vent reprirent leur forme naturelle et reprirent leur voyage.
— Ne vois-tu rien derrière nous ? demanda la jeune
fille.
— Non, je ne vois rien.
Quelque temps après, elle demanda encore :
— Ne vois-tu rien venir ?
— Si, je vois un grand nuage de feu.
Aussitôt elle prit sa baguette et dit :
— Grand-Vent va se mettre en église, moi en autel, et
mon mari en prêtre.
Le monsieur et sa femme, qui poursuivaient toujours les
jeunes mariés, entrèrent dans l’église et demandèrent au prêtre :
— N’avez-vous pas vu passer par ici un petit bonhomme
avec une fille en blanc ?
— Dominus vobiscum ,
répondit celui qui était à l’autel.
— Je vous demande
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