Contes populaires de toutes les Bretagne
chez ceux qui habitent non loin de la Mer de Murin, il arriva
que des païens, venus du nord, et poursuivis par les Bretons, se cachèrent dans
cette forêt. Ils s’y trouvaient bien à l’abri, dans des tanières qui
ressemblaient à celles des loups, et quand ils en sortaient, c’était pour
accomplir toutes sortes d’exactions et de pillages dans les villages
avoisinants. Ils inspiraient une telle terreur que personne n’osait plus
s’approcher de la forêt et que même les villages se dépeuplaient, car il ne
faisait pas bon y vivre.
En ce temps-là, au château du Dreneuc, qui se trouve sur la
butte, tout contre le bois, il y avait un seigneur que les païens n’avaient
jamais attaqué parce que les murs de sa forteresse étaient solides. Mais il se
lamentait de voir que le pays était ravagé. Il décida donc de débarrasser les
alentours de ces pillards qui ne connaissaient ni dieu ni diable et qui en
faisaient voir de toutes les couleurs à ses malheureux vassaux.
Il demanda à l’abbaye de Redon de lui envoyer un moine. Le
moine vint et se bâtit un ermitage non loin du Dreneuc. Pendant tout le jour,
il faisait des prières, et il ne mangeait que des racines et des fruits.
Les païens ne voyaient pas cet ermitage d’un bon œil. Ils
voulurent faire partir le moine. Pour ce faire, ils arrachèrent des fougères
des landes, ils en firent de grands tas autour de sa cabane, puis ils y mirent
le feu. Le moine se vit tout à coup entouré de flammes, et comprenant qu’il
allait bientôt brûler, il prit de l’eau bénite et la jeta sur le bois. Alors on
entendit un grand bruit : les chênes craquèrent comme s’ils avaient été
foudroyés par le tonnerre, et tout s’effondra dans un gouffre qui venait de se
creuser. Et les eaux de la Vilaine envahirent cet abîme. Voilà pourquoi, depuis
ce temps-là, on ne voit plus trace de forêt, mais seulement la grande étendue
de la Mer de Murin.
Comme le seigneur du Dreneuc avait aidé à chasser les
maudites gens qui peuplaient le bois, son logis ne fut pas englouti par les
eaux. Il se dresse encore aujourd’hui sur la même butte, surplombant les
marécages. Quant à l’endroit où le moine avait jeté son eau bénite, il y poussa
une épine blanche, et cet arbuste fleurit tous les ans dès le temps de la
Chandeleur.
Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine).
Il
s’agit évidemment d’une des versions de la Ville Engloutie, dont la plus
célèbre, en Bretagne, est celle d’Is. Ici, ce ne sont pas les eaux de la mer
qui engloutissent le site, mais les eaux du fleuve. On notera que le nom Dreneuc est une déformation d’un mot breton
signifiant « épineux », ce qui doit expliquer l’anecdote de l’épine
blanche.
LA DAME ET LES CHATS
Il y avait une fois une vieille dame très riche qui aimait
beaucoup les chats. Elle en avait sept ou huit qu’elle faisait manger à table
avec elle : chacun avait sa chaise et son assiette. Elle disait toujours
que les bêtes valaient mieux que le monde, qu’elle ferait son testament pour
ses chats et qu’elle leur laisserait toute sa fortune.
Mais elle avait un neveu qui était prêtre. Il aurait bien
voulu hériter de sa tante, et ça l’ennuyait fort de voir toutes ces bêtes-là
dans la maison. Quand il venait voir la dame, il ne ratait pas une occasion de
lui dire que les chats étaient des bêtes du diable et que c’était un péché de
tant les aimer. Peine perdue ! la tante ne faisait que rire de ce que lui
disait le prêtre, et elle en chérissait davantage ses chats.
Or, une fois, elle fut obligée de s’absenter pendant huit
jours afin d’aller voir ses fermiers. Elle dit à son neveu de venir demeurer
chez elle, durant son absence, pour veiller à sa maison, et surtout pour bien
soigner ses chats.
Le prêtre vint donc s’installer chez sa tante. Quand l’heure
du dîner arriva, il dit à la domestique de mettre le couvert des chats comme à
l’ordinaire. Mais quand les chats furent bien installés sur leurs chaises, il
fit un grand signe de croix, et, tirant un fouet qu’il avait caché sous sa
soutane, il se mit à frapper les pauvres bêtes qui se sauvèrent un peu partout.
Au repas du soir, ce fut la même chose, et tous les jours tant
que la dame fut absente.
Quand elle revint, la première chose qu’elle demanda, ce fut
si les chats avaient été bien soignés.
— Certainement, répondit le prêtre, j’ai fait tout ce
que je pouvais pour eux, mais ce sont des bêtes
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