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Contes populaires de toutes les Bretagne

Contes populaires de toutes les Bretagne

Titel: Contes populaires de toutes les Bretagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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peine à
notre père. Et il vaut mieux être pauvre que de priver les autres de ce qui
leur revient de droit.
    — Fais ce que tu veux, dit Yann, moi, je vais demander
à notre père de partager tout de suite.
    Yann s’en alla trouver son père et fit comme il avait dit.
Le vieux roi connaissait bien son fils aîné, mais, malgré son chagrin et sa réprobation,
il consentit à faire le partage. La poire du nord serait à Yann, celle du sud à
Klaodig, et celle du milieu devait être celle des filles.
    On était alors à la fin du mois de juillet : les poires
d’argent prenaient déjà une teinte magnifique, tournant vers le doré. Yann se
mit à monter la garde. Pendant deux jours et deux nuits, tout alla pour le
mieux, mais le troisième jour, il prit une chopine de vin de feu pour se tenir
éveillé, et le lendemain, on le trouva en train de ronfler sous le poirier. Et
le poirier n’avait plus que deux poires : celle du milieu avait disparu.
    — Cela m’est bien égal, dit l’ivrogne. La mienne est
encore là, et ce soir, je ferai bien attention.
    Ce soir-là, et le suivant, il veilla pour de bon, avec un
fusil chargé. Rien ne bougea aux alentours, rien ne se passa. Mais, la
troisième nuit, il faisait une chaleur épouvantable. Yann avait emporté avec
lui une bonbonne de cidre, et il en but tellement qu’il s’endormit. Le
lendemain matin, la poire du nord, c’est-à-dire la sienne, avait disparu.
    Yann eut une crise de fureur. Il injuria son frère, son père
et ses sœurs qui se permettaient de lui faire la morale. Pour le calmer,
Klaodig lui promit la moitié de sa poire et déclara que la nuit prochaine,
c’est lui qui monterait la garde.
    Le soir venu, Klaodig s’arma d’un grand sabre bien aiguisé
et il alla se poster contre le tronc du poirier. Puis, pour se donner du cœur,
il commença par jouer un air de biniou.
    La première partie de la nuit fut très calme. Klaodig se
demandait s’il se passerait quelque chose. Mais quand le premier coup de minuit
eut sonné dans la tour de Daoulas, un hibou, qui était perché dans le poirier,
s’envola en poussant des cris. Klaodig regarda aussitôt, et il aperçut un bras
long, immensément long, qui serpentait entre les feuilles, avec une main énorme
qui s’ouvrait déjà pour saisir la poire d’or. Klaodig ne prit pas le temps de
demander qui était là : il saisit son sabre, et d’un seul coup, il coupa
la main qui tomba à terre, avec la poire d’or, dans une mare de sang. Puis il
entendit un grand cri, un de ces cris à vous glacer le sang, un hurlement à
faire sombrer les navires, un soupir comparable à un coup de vent. Et enfin ce
fut le silence. La nuit était redevenue aussi calme qu’auparavant.
    Klaodig commença par ramasser sa poire d’or, l’essuya
proprement et la mit dans sa poche, mais il se demandait ce qu’il allait faire
de cette énorme main, coupée au poignet, et dont les doigts continuaient à
bouger. Il eut d’abord l’idée d’aller la jeter dans la mer, qui n’était pas
très loin, mais il se ravisa, songeant que cette main devait appartenir à
quelqu’un, et que ce devait être sûrement un géant bien riche et très puissant
qui serait peut-être très content de récupérer sa main, surtout s’il était
possible de la remettre en place. Il faut dire que Klaodig, en parcourant les
pardons avec son biniou, avait entendu dire qu’au-delà de Plougastel, sur la
rade, demeurait un sorcier qui savait arranger les nez, les bras et les mains
des statues. Or, Klaodig se disait que ce sorcier avait peut-être des recettes
pour arranger les mains de géants, et de toutes façons, il devait bien avoir
quelques louzaou [5] susceptibles de cicatriser les plaies.
    C’est pourquoi Klaodig se mit immédiatement en route, avec
la main coupée dans son sac, afin de trouver la piste du voleur de poires.
Pendant plus d’une lieue, ce ne fut pas très difficile, sur les landes et les
collines, car il suffisait de suivre les traces de sang. Mais à mesure qu’il
approchait de la forêt du Kranou, les traces devenaient moins visibles, et
enfin elles cessèrent tout à fait.
    — Tiens, tiens ! se dit Klaodig, on dirait qu’un
géant habite au milieu de cette forêt. C’est mon homme, à n’en pas douter. Mais
je me suis laissé dire qu’il ne fait pas bon aller rôder par là. Ce géant passe
pour un ogre affamé. Il n’importe ! quand je lui rapporterai sa main avec
de quoi la recoller à son bras,

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