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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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géant gagna le refuge des airs, Simon sous un bras, Cassiopée sous l’autre, Emmanuel accroché à son dos et Rufinus dans sa besace. Il courait moins vite qu’à l’aller, de façon à ne pas distancer l’oiselle, qui suivait à tire-d’aile.
    — Où allons-nous ? s’enquit Emmanuel.
    — À Damas.
    — Mais c’est chez Saladin !
    — Oui, mais il a les meilleurs médecins du monde.
    Confiant dans le destin, certain de s’être trouvé d’excellents compagnons, Emmanuel renonça à discuter. Il eut un haussement de sourcils amusé, et – curieux – jeta un coup d’œil derrière lui. La tempête avait enfin atteint les tombes de Simon et Cassiopée. Des éclairs de sabres et des chevaux hennissants se dessinaient dans les trombes de poussière. Les Tartares étaient fous de colère. L’un d’eux, un tout jeune homme, pointa son glaive en direction de la porte de Fer, et jura de se venger.

38.
    « Il faut laisser les morts dormir avec les morts.
    Dans ce monde d’iniquité, ne sois pas la proie de la peine Avec l’ami aux douces lèvres et à la stature de fée Livre ton cœur et bois ton vin, ne jette pas ta vie au vent… »
    (OMAR KHAYYAM,
    Les Quatrains Rubbâ’yât.)
    Guyane de Saint-Pierre n’en croyait pas ses yeux.
    Cassiopée était là, vivante ! Caressant le front de sa fille, l’embrassant tendrement, elle lui prodigua toute la tendresse qu’elle avait omis de lui donner pendant presque vingt ans.
    « Merci mon Dieu ! Je savais bien que Nâyif ibn Adid se trompait ! » se disait-elle en repensant à la cloche de bronze que le cheik des Muhalliq lui avait montrée. « Pourquoi ai-je attendu d’être à Damas pour embrasser ma fille ? »
    Elle se rappela la naissance de Cassiopée, au Caire, le 23 décembre de l’an de grâce 1169. Puis leur arrivée en France, où Chrétien de Troyes et le père Poucet (Dieu ait leur âme !) les avait recueillies – avant de les faire entrer à Saint-Pierre de Beauvais, déguisées en moines. Pas question, donc, de témoigner un quelconque amour à la jeune personne qui la suivait partout. Ce qui ne les avait pas empêchées d’y être heureuses.
    C’était d’ailleurs pour rendre hommage à cette abbaye que Guyane avait choisi de prendre comme nom de famille Saint-Pierre ; car de famille, hormis sa fille, elle n’en avait pas… Sa mère – Aliénor d’Aquitaine – considérait qu’elle n’existait pas ; et son père – Chirkouh le Volontaire – était mort depuis longtemps. Tué par Morgennes. Certes, il y avait bien ce dernier – avec qui elle s’était mariée. Mais elle ne l’avait pas revu depuis presque vingt ans…
    — Cassiopée, murmura-t-elle. Guéris, je t’en supplie…
    Grâce aux soins du bon docteur Ibn al-Waqqar, l’ancien médecin de Nur al-Din et maintenant celui de Saladin (quand il séjournait à Damas), Cassiopée se rétablissait doucement. Mais il lui faudrait des mois pour récupérer de l’épreuve qu’elle avait subie en Tartarie, par la faute de Simon.
    — C’était à cause de l’épée…
    — Comment ? demanda Guyane de Saint-Pierre. Que dis-tu ?
    — Crucifère…, articula Cassiopée.
    Guyane regarda l’épée, toujours glissée dans son fourreau, auprès du lit où sa fille reposait. Crucifère ! C’était donc la fameuse épée que Morgennes avait momentanément renoncé à chercher parce que Amaury I er de Jérusalem lui avait ordonné de se mettre en quête de la « femme qui n’existait pas » – c’est-à-dire d’elle-même.
    Curieuse, Guyane se leva du fauteuil qu’elle n’avait pratiquement pas quitté depuis que Gargano avait ramené Cassiopée, et se dirigea vers l’épée.
    — Te voici donc…
    Telle une femme à qui l’on aurait présenté la maîtresse de son mari, elle considéra l’épée d’un air grave, sans oser la toucher. « Cette croix… » Avisant la croix de bronze sertie dans la poignée de l’épée, elle reconnut la croix que Morgennes portait toujours sur lui. « La croix de son père. »
    — Papa…, soupira Cassiopée. Morgennes !
    Guyane de Saint-Pierre se tourna vers sa fille, les yeux baignés de larmes. « Pardon, ma petite, ma chérie. Pardon de t’avoir caché pendant toutes ces années son existence. » Réfrénant un soupçon de colère – la colère qui l’avait saisie en apprenant que Morgennes avait empoisonné son propre père, Chirkouh le Volontaire –, Guyane s’approcha de l’épée et la

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