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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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tout ce qui faisait d’un marché un marché se trouvait réuni ici. Oranges, citrons, aubergines et artichauts côtoyaient un bruyant méli-mélo de moutons et de chèvres, amenés là pour y être égorgés. À ceux qui n’avaient pas de couteau, un armurier en proposait de superbes, forgés par son voisin forgeron, mais fort chers – ou d’autres moins onéreux, mais de moins bonne qualité, abandonnés à Hattin par les Franjis.
    Immobile au milieu de la foule, un homme de grande taille, mince et au nez fort busqué, braquait sur Saladin son regard d’acier. Malgré ses cheveux gris, il n’avait rien perdu de sa superbe. C’était le docteur Ibn al-Waqqar.
    Saladin sauta de cheval et se dirigea vers le docteur, qu’il serra contre lui.
    — Le salut soit sur toi, lui dit-il.
    — Sur toi le salut, mon sultan, répondit al-Waqqar. Es-tu content de ta tournée ?
    — Oui et non, fit Saladin avec un geste évasif. Mais maintenant que tu es là, ça va mieux. Et toi ? Es-tu content de ton nouveau bimaristan ?
    — Plus que content, j’en suis ravi – et honoré. Car il m’a permis de guérir des centaines de braves. Ainsi, récemment, ta nièce…
    — Cassiopée.
    — Oui. Elle se rétablit doucement, grâce à mes soins.
    — Tu veux dire, grâce à Allah ? rectifia Saladin.
    — Grâce aux nombreux talents dont Allah m’a pourvu, répondit le médecin avec un sourire.
    Saladin lui rendit son sourire, et remercia une vieille dame venue lui offrir une orange.
    — Eh bien, eh bien, fit-il en commençant d’éplucher son orange, allons voir cette merveille de bimaristan qui m’a coûté aussi cher qu’une compagnie de mamelouks…
    — Mais qui t’épargnera d’avoir à la racheter !
    Nouveau sourire de Saladin, qui se mit dans la bouche un quartier d’orange.
    — J’ai pris une décision, dit Saladin en mâchant.
    — Laquelle ?
    — Comme tu le sais, j’ai dû renoncer à m’emparer de Tyr. Ces chiens galeux de Franjis s’attendent sans doute à me voir annoncer quelques mesures punitives. Mais je vais faire tout le contraire. Ils m’en remercieront, me loueront dans leurs chants et récits, quand cette action – loin de les servir – leur nuira plus qu’une offensive militaire.
    — Quelle action ?
    — Je vais – entre autres prisonniers – libérer le maître des Templiers, que je tiens en mes geôles depuis la reconquête de Jérusalem. Conrad de Montferrat est un redoutable adversaire, trop rusé à mon goût. Je vais donc renforcer les pouvoirs de son principal concurrent, l’ancien roi de Jérusalem Guy de Lusignan, en lui rendant son plus fidèle allié…
    — Gérard de Ridefort ?
    — Quoi de mieux qu’un Templier pour semer la zizanie dans le camp de ces chiens d’infidèles ?
    Saladin eut un nouveau sourire, et prit encore un quartier d’orange. C’est alors que sa main toucha quelque chose de visqueux. L’orange grouillait d’asticots ! L’ayant lâchée, l’orange explosa par terre, où des larves se mirent à ramper. Parmi les morceaux d’orange avariée, un bout de papier apparut. Ibn al-Waqqar se pencha pour le ramasser, retira les asticots qui couraient dessus, et le tendit à Saladin. Qui le déplia et lut ceci : « Tu es en notre pouvoir. »
    Juste au-dessous de cette phrase, une main blanche en filigrane évoquait les motifs d’une toile d’araignée. Il s’agissait du symbole des Assassins : la main de l’imam occulté, qui par-delà la mort guidait ses disciples vers la Vérité.

41.
    « Il n’existe pas de remède à tous les maux de la terre. Le mien est si profondément enraciné qu’il ne peut être guéri. »
    (CHRÉTIEN DE TROYES,
    Cligès.)
    Alerté par les clameurs, Simon regarda par la fenêtre de sa chambre. Saladin venait de pénétrer dans le bimaristan, suivi du docteur Ibn al-Waqqar, de ses gardes et d’une foule immense de courtisans poussant des cris d’orfraie, comme si une tragédie s’était produite.
    — Par Allah, gardez votre calme ! criait le médecin. Et qu’on m’apporte mes électuaires, vite !
    Des assistants en blouse noire couraient dans tous les sens, craignant – s’ils ne s’agitaient pas – d’attirer les soupçons.
    — Que se paaasse-t-il ? demanda Rufinus depuis la table où Simon l’avait déposé.
    — Avec un peu de chance, il va crever, dit simplement Simon.
    — Qui çaaa ?
    — Saladin, lâcha sèchement Simon. J’ai l’impression qu’il a été

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