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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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d’approcher son sultan, dans l’espoir de toucher son caftan ou – faute de mieux – son destrier. Mais les mamelouks veillaient, formant entre la foule et Saladin un mur de lances et de cimeterres, n’hésitant pas à la repousser violemment. Car à Damas, si près du djebel Ansariya où les Assassins avaient leur fief, il fallait se méfier plus qu’ailleurs.
    Ici plus qu’au Caire, la foule avait davantage de raisons d’approcher Saladin. Soit parce qu’elle l’adorait (ayant détesté son prédécesseur, Nur al-Din), soit parce qu’elle le détestait (ayant adoré son prédécesseur, Nur al-Din), soit parce qu’elle le détestait comme elle avait détesté Nur al-Din – ce qui était justement le cas des Assassins. Tenir la foule à l’écart de ceux qu’elle adulait ou haïssait n’était pas tâche facile. Parfois, un adorateur un peu trop excité recevait un coup de lance pour avoir voulu caresser le caftan du sultan. « Loué soit Allah, disaient alors ses amis. Il ne faut pas le plaindre ! Il est au Paradis maintenant. Allah est grand ! »
    Mourir pour cela, c’était presque aussi bien que mourir pour avoir essayé de baiser la Kaaba, lors du pèlerinage à La Mecque.
    Mais Saladin n’avait aucune envie qu’on meure pour lui. Mourir pour l’islam ou pour Jérusalem – d’accord ; mais mourir pour avoir voulu effleurer sa tunique… « Quelle imbécillité ! »
    En ce 27 de rajab 566, premier anniversaire de la reconquête de Jérusalem, le sultan était en proie à toutes sortes d’émotions positives et négatives. Oui, négatives. Car qui sait combien cette foule comptait d’adeptes de Rachideddin Sinan, le Vieux de la Montagne ?
    Scrutant la multitude venue le saluer, Saladin s’interrogeait : « Et celui-là, avec ses cris enthousiastes ? Ne va-t-il pas sortir un kandjar de sous sa chemise et me sauter dessus ? Et cet autre, qui sourit benoîtement, qui peut m’assurer qu’il ne s’agit pas d’un conspirateur ? »
    Mais une fois encore, Saladin choisit de s’en remettre à Allah, seul maître de nos destinées. Il repensa à ce que lui avait dit autrefois Sohrawardi, quand ils étudiaient le Coran en compagnie de Nur al-Din : « Souviens-toi que tout ce qui t’arrive ne pouvait être évité et que ce qui ne t’arrive pas ne pouvait pas t’arriver… » Saladin soupira puis sourit. « En ce cas, à quoi bon mes mamelouks ? »
    Regardant les soldats qui composaient sa garde rapprochée, il eut une pensée pour ces esclaves, achetés enfants sur les marchés de la basse Volga. Dans leur tunique jaune safran, on aurait dit des épis de blé entourant un corbeau.
    Au côté du sultan chevauchait Shams al-Dawla Turansha, l’atabeg de Damas. Il venait enfin de clore la longue et difficile enquête dont l’avait chargé Saladin. Il s’agissait d’explorer les mille et un souterrains qui gangrenaient les sous-sols du marché de Damas, afin d’en extirper les Assassins. Malheureusement, comme les taupes, ceux-ci ne s’en étaient pas laissé facilement débusquer ; et les galeries qu’ils avaient creusées ne s’étendaient pas seulement sous la place du marché.
    — … Mais sous toute la ville, et même au-delà, Excellence, ahana le gros atabeg au front luisant de sueur.
    — Raison de plus pour les en chasser, rétorqua Saladin.
    — C’est que, Sérénissime, ces souterrains s’étalent sur plusieurs niveaux.
    — Envoies-y d’autres hommes.
    — C’est fait, Grandeur de l’Islam.
    — T’ont-ils fait leur rapport ?
    — Pas encore, ô Pilier de la Religion.
    — Arrête avec ces salamalecs. Et explique-moi pourquoi tes soldats ne t’ont pas encore fait de rapport.
    — C’est qu’ils ne sont jamais revenus, ô Saladin.
    — Tu m’as pourtant dit que l’enquête était close.
    — Elle l’est, autant que ces souterrains.
    — C’est-à-dire ?
    — Je les ai fait boucher. Des équipes de sapeurs les ont fait s’effondrer. Les Assassins ne pourront plus jamais les utiliser pour surgir à leur guise en tel ou tel point de la grande, silencieuse et blanche Damas.
    « En fait, se disait Saladin, cet incapable a surtout trouvé le moyen de se débarrasser du problème. »
    Sur la place du marché, où le drame avait eu lieu un an plus tôt, la vie avait repris. De l’esclave rossé à coups de bâton à la houri dansant au son des tambourins, des riches épouses venues faire leurs courses aux mendiants et aux ânes,

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