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D'Alembert

D'Alembert

Titel: D'Alembert Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Bertrand
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société ? On pourrait applaudir à l'expulsion franchement décidée et sans procédure, pour raison d'État ; mais les faux griefs, mêlés ou non à des accusations fondées, ne sauraient trouver d'approbateurs.
D'Alembert, remarquons-le bien, n'admet pas la fausseté des griefs, mais il déclare, sans nécessité par conséquent, que, les reproches eussent-ils été des calomnies, il faudrait se réjouir et approuver.
Telle n'était pas au fond, telle ne pouvait être sa doctrine. Deux ans après, à propos de la suppression des jésuites d'Espagne, il écrivait à Voltaire :
«Croyez-vous tout ce qu'on dit à ce sujet ? croyez-vous à la lettre de M. d'Ossun, lue en plein Conseil et qui marque que les jésuites avaient formé le complot d'attaquer, le jeudi saint, bon jour, bonne oeuvre, le roi d'Espagne et toute la famille royale ?
    Ne croyez-vous pas comme moi qu'ils sont assez méchants, mais non pas assez fous pour cela, et ne désirez-vous pas que cette nouvelle soit tirée au clair ? Mais que dites-vous de l'idée du roi d'Espagne qui les chasse si brusquement ?
Persuadé comme moi qu'il a eu pour cela de bonnes raisons, ne pensez-vous pas qu'il aurait bien fait de les dire et de ne pas les renfermer dans son coeur royal ? Ne pensez-vous pas qu'on pourrait permettre aux jésuites de se justifier, surtout quand on croit être sûr qu'ils ne le peuvent pas ? Ne pensez-vous pas encore qu'il serait bien injuste de les faire tous mourir de faim, si un seul frère coupable ou non s'avise d'écrire bien ou mal en leur faveur ?»
À propos du jésuite Malagrida, brûlé à Lisbonne pour de bien faibles motifs, d'Alembert ajoute : «C'est une chose plaisante que l'embarras où les jésuites et les jansénistes se trouvent à l'occasion de cette victime immolée par l'Inquisition. Les jésuites, dévoués jusque-là à ce tribunal de sang, n'osaient plus en prendre le parti depuis qu'il avait brûlé un des leurs. Les jansénistes commençaient à le trouver juste dès qu'il eut condamné un jésuite aux flammes. Ils assurèrent et imprimèrent que l'Inquisition n'était pas ce qu'ils avaient cru jusqu'alors, et que la justice s'y rendait avec beaucoup de sagesse et de maturité.»
On aimerait à voir d'Alembert et Voltaire plus humains et moins aveuglés par la passion que les chrétiens fort imparfaits qu'ils attaquent ; ni l'un ni l'autre n'aurait allumé ni regardé le bûcher, mais ils en riaient et de loin feignaient d'y penser avec plaisir.
    D'Alembert, à l'occasion de la tragédie d'Olympie faite par Voltaire en six jours, lui écrit :
«Donnez-nous vite votre oeuvre des six jours, mais ne faites pas comme Dieu et ne vous reposez pas le septième. Ce n'est point un plat compliment que je prétends vous faire ; mais je ne vous dis que ce que j'ai déjà dit cent fois à d'autres. Vos pièces seules ont du mouvement et de l'intérêt et, ce qui vaut bien cela, de la philosophie, non pas de la philosophie froide et parlière, mais de la philosophie en action.
Je ne vous demande plus d'échafaud, je sais et je respecte toute la répugnance que vous y avez, quoique depuis Malagrida les échafauds aient leur mérite.»
A la lueur d'un bûcher le rire devient sinistre ; d'Alembert, en l'oubliant, fait penser à ce mot de Grimm : «Il semble voir des enfants qui jouent avec les instruments du bourreau».
Les jésuites, condamnés, traînaient l'affaire en longueur. «Le gouvernement hésitait. Une circonstance fortuite précipita leur ruine.
On reçut à la fin de mars 1762 la triste nouvelle de la prise de la Martinique par les Anglais. La prudence du gouvernement voulut prévenir les plaintes qu'une si grande perte devait causer dans le public. On imagina, pour faire diversion, de donner aux Français un autre objet d'entretien ; comme autrefois Alcibiade avait imaginé de faire couper la queue à son chien pour empêcher les Athéniens de parler d'affaires plus sérieuses, on déclara donc au principal des jésuites qu'ils n'avaient plus qu'à obéir au Parlement et à cesser leurs leçons.»
«Il est certain, ajoute d'Alembert, toujours sincère, que la plupart des jésuites, ceux qui dans cette société comme ailleurs ne se mêlent de rien, et qui y sont en plus grand nombre qu'on ne croit, n'auraient pas dû, s'il eût été possible, porter la peine des fautes de leurs supérieurs.
    Ce sont des milliers d'innocents qu'on a confondus à regret avec une vingtaine de coupables. De plus, ces

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