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D'Alembert

D'Alembert

Titel: D'Alembert Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Bertrand
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innocents se trouvaient par malheur les seuls punis et les seuls à plaindre, car les chefs avaient obtenu par leur crédit des pensions dont ils pouvaient jouir à leur aise, tandis que la multitude immolée restait sans pain comme sans appui. Tout ce qu'on a pu alléguer en faveur de l'arrêt général d'expulsion prononcé contre ces pères, c'est le fameux passage de Tacite au sujet de la loi des Romains qui condamnait à mort tous les esclaves d'une maison pour le crime d'un seul.
Habet aliquid ex iniquo omne magnum exemplum.
«Tout grand exemple a quelque chose d'injuste.»
Il faut s'y résigner, il y a deux morales, ou, ce qui serait plus triste encore, contre l'intérêt public allégué, il n'en faut invoquer aucune.
Continuons l'analyse du livre.
«Quelques parlements n'avaient rien prononcé contre l'institut, et les jésuites subsistaient encore en entier dans une partie de la France. Il y avait lieu d'appréhender qu'au premier signal de ralliement la partie dispersée, se rejoignant tout à coup à la partie réunie, ne formât une société nouvelle, avant même qu'on fût en état de la combattre. La sagesse et l'honneur même du gouvernement semblaient exiger que la jurisprudence à l'égard des jésuites, quelle qu'elle pût être, fût conforme dans tout le royaume. Ces vues paraissent avoir dicté l'édit par lequel on vient d'abolir la société dans toute l'étendue de la France.»
Tout s'était réuni pour accabler les jésuites et préparer leur ruine.
Aux griefs accumulés contre eux ils avaient ajouté deux fautes capitales.
    Nous n'en rappelons qu'une.
«Ils avaient refusé, par des motifs de respect humain, de recevoir sous leur direction des personnes puissantes (Mme de Pompadour) qui n'avaient pas lieu d'attendre d'eux une sévérité si singulière à tant d'égards. Ce refus indiscret a contribué à précipiter leur ruine. Ainsi ces hommes qu'on avait tant accusés de morale relâchée et qui ne s'étaient soutenus à la cour que par cette morale même, ont été perdus dès qu'ils ont voulu, même à leur grand regret, professer le rigorisme. Matière abondante de réflexion et preuve évidente que les jésuites depuis leur naissance jusqu'à cette époque avaient pris le bon chemin pour se soutenir, puisqu'ils ont cessé d'être dès qu'ils s'en sont écartés.» «Il est certain, telle est la conclusion de d'Alembert, que l'anéantissement de la société peut procurer à la raison de grands avantages, pourvu que l'intolérance janséniste ne succède pas en crédit à l'intolérance jésuitique. Car, on ne craint pas de l'avancer, entre ces deux sectes l'une et l'autre méchantes et pernicieuses, si on était forcé de choisir, en leur supposant le même degré de pouvoir, la société qu'on vient d'expulser serait la moins tyrannique. Les jésuites, gens accommodants pourvu qu'on ne se déclare pas leur ennemi, permettent assez qu'on pense comme on voudra. Les jansénistes, sans égards comme sans lumières, veulent qu'on pense comme eux. S'ils étaient les maîtres, ils exerceraient sur les ouvrages, sur les esprits, sur les discours, sur les moeurs l'inquisition la plus violente.
«Les jésuites étaient des troupes régulières, ralliées et disciplinées sous l'étendard de la superstition. C'était la phalange macédonienne qu'il importait à la raison d'avoir rompue et détruite.
    Les jansénistes ne sont que des cosaques et des pandours dont la raison aura bon marché.»
Impartial comme il l'a promis, d'Alembert est contre tous également implacable.
Le livre sur la destruction des jésuites obtint un grand succès et souleva de violentes colères. L'auteur, s'il faut en croire Voltaire qui cite de mémoire et invente quelquefois, fut traité d'hyène, de Philistin, d'Amorrhéen, de bête puante, de Satan et de Rabsacès.
Les pamphlets les plus envenimés ne vivent guère ; la trace des invectives disparaît avec eux. La plupart s'adressaient moins à d'Alembert qu'au parti des philosophes tout entier.
L'yenne du Gévaudan, dit l'auteur anonyme d'une lettre à un ami sur le livre nouveau, a fait moins de mal que les écrits publiés depuis peu.
L'auteur de la lettre à un ami, qui s'appelait, je crois, le père Guidy, veut parler des écrits condamnés récemment par l'assemblée générale du clergé (août 1765) dans des termes d'une violence presque égale :
«Une multitude d'écrivains téméraires, disaient les évêques réunis, ont foulé aux pieds les lois

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