Dans le jardin de la bête
une fois de plus dans la chancellerie du Reich : il se dirigea vers le bureau d’Hitler, en passant devant l’alignement habituel de gardes qui le saluèrent en claquant des talons.
Tout d’abord, Dodd demanda à Hitler 17 s’il avait un message personnel destiné à Roosevelt, que Dodd pourrait remettre au président quand il le rencontrerait à Washington.
Hitler marqua une pause. Il dévisagea Dodd un moment.
« Je vous suis très obligé, répondit-il, mais votre demande me prend au dépourvu et je souhaite que vous me donniez le temps de réfléchir à ce sujet, et je vous en reparlerai. »
Pendant quelques instants, l’ambassadeur et Hitler échangèrent des banalités, puis Dodd en vint à la question du jour – « La propagande fâcheuse qui a lieu aux États-Unis », comme le note Dodd dans un rapport qu’il rédigea après la rencontre.
Hitler « feignit l’étonnement », selon Dodd, puis il demanda des détails.
Au cours des dix derniers jours, expliqua l’ambassadeur, un tract nazi avait commencé à circuler aux États-Unis qui contenait, d’après Dodd, « un appel aux Allemands ressortissants d’autres pays de continuer à se considérer comme des Allemands qui devaient une allégeance morale, si ce n’est politique, à leur patrie ». Dodd compara cela à un document de propagande similaire distribué aux États-Unis en 1913, bien avant l’entrée en guerre de l’Amérique.
Hitler explosa. « Ach ! le rembarra-t-il, tout ça, ce sont des mensonges des Juifs ; si jamais je trouve qui a fait ça, je le chasserai du pays immédiatement. »
Puis la conversation s’orienta vers une question plus vaste et plus vipérine : le « problème juif ». Hitler condamnait tous les Juifs en bloc et les tenait pour responsables de toute antipathie ayant pu surgir aux États-Unis à l’égard de l’Allemagne. Il fulmina : « Au diable, les Juifs ! »
Devant la rage du Führer, Dodd jugea prudent de ne pas aborder le sujet du pseudo-procès, qui devait avoir lieu plus tard dans la journée, heure de New York. Hitler n’y fit pas allusion non plus.
À la place, Dodd en vint à la situation des Juifs, qui pouvait, d’après lui, se résoudre de façon pacifique et humaine. « Vous savez qu’il existe un problème juif dans d’autres pays », dit-il. Et il entreprit de décrire comment le Département d’État apportait un soutien discret à un nouvel organisme mis en place par la Société des Nations sous la direction de James G. McDonald, récemment nommé haut-commissaire pour les réfugiés provenant d’Allemagne, pour s’efforcer de réinstaller les Juifs, comme l’exprima Dodd, « sans trop de souffrance ».
Hitler balaya ses propos d’un revers de main. Cela ne mènerait à rien, proclama-t-il, quel que soit le montant que la commission pourrait rassembler. Les Juifs en feraient une arme pour « attaquer l’Allemagne et causer des ennuis à n’en plus finir ».
Dodd rétorqua que la démarche actuelle de l’Allemagne causait beaucoup de tort à sa réputation aux États-Unis. Curieusement, Dodd s’efforça de trouver une sorte de terrain d’entente avec le dictateur. « Vous savez que les Juifs occupent actuellement beaucoup de hautes fonctions dans notre pays, à New York comme dans l’Illinois. » Il cite plusieurs « Hébreux impartiaux, remarquables », dont Henry Morgenthau Jr, le secrétaire au Trésor de Roosevelt depuis janvier. « Quant à la question de savoir où l’activisme juif dans les universités ou l’administration publique pose problème, nous avons réussi à redistribuer les postes en évitant de trop froisser les susceptibilités, afin que les Juifs fortunés continuent de soutenir les institutions qui ont réduit le nombre de Juifs dans les postes élevés. » Dodd cita un exemple à Chicago et ajouta : « Les Juifs de l’Illinois ne représentent pas un problème sérieux. »
Dodd expliqua dans son rapport : « Mon idée était de lui suggérer une façon de procéder différente de celle qui avait été poursuivie ici – sans jamais donner un avis appuyé, bien sûr. »
Hitler rétorqua : « Les Juifs occupent 59 % de la haute fonction publique en Russie ; ils ont ruiné ce pays et ils ont pour projet de ruiner l’Allemagne. » Plus enragé que jamais, il martela : « S’ils continuent à s’activer ainsi, nous nous débarrasserons de façon définitive de tous ceux qui
Weitere Kostenlose Bücher