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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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Ils tenaient là une occasion rêvée. « Dites à Boris Winogradov  1  que nous voulons faire appel à lui pour exécuter un projet qui nous intéresse », signale un message adressé au chef de l’agence de Berlin.
    D’une manière ou d’une autre – peut-être par l’intermédiaire de Boris –, Moscou avait été averti que l’enthousiasme de Martha pour la révolution nazie commençait à s’émousser.
    Le message précisait : « Il s’agit du fait que, d’après nos informations, les sentiments de la personne en question (Martha Dodd) sont maintenant mûrs pour que nous la ralliions une fois pour toutes à notre cause. »

38
    E SCROQUÉ
    C e qui perturba le plus Dodd, durant son congé, ce fut l’impression que ses adversaires au Département d’État se faisaient plus offensifs. Il commençait à s’inquiéter de ce qu’il considérait comme une série de fuites sur des sujets confidentiels, informations qui semblaient destinées à saper sa réputation. Un incident troublant  1  intervint le soir du samedi 14 avril, au moment où il quittait le dîner annuel du Gridiron Club à Washington. Un jeune fonctionnaire du Département d’État, qu’il ne connaissait pas, l’aborda et entama une conversation ; il mit ouvertement en cause son appréciation de la situation en Allemagne, faisant état d’une dépêche confidentielle que l’ambassadeur avait câblée de Berlin. Le jeune homme était beaucoup plus grand que Dodd et s’approchait de très près, d’une manière que l’ambassadeur trouva physiquement intimidante. Dans une lettre furieuse que Dodd comptait remettre en personne au secrétaire Hull, il décrivit cette rencontre comme « un affront délibéré ».
    Le plus pénible pour Dodd, cependant, c’était la question de savoir comment le jeune homme avait pu se procurer la dépêche. « J’ai dans l’idée  2 , écrit Dodd, […] qu’il y a un groupe de gens au sein du Département qui pensent à leur propre personne plutôt qu’à leur pays, et qui, face à la moindre tentative d’un ambassadeur ou d’un fonctionnaire pour effectuer des économies ou des améliorations, unissent leurs efforts pour le discréditer et le faire échouer. C’est la troisième ou la quatrième fois qu’une information totalement confidentielle fournie par moi est traitée comme un ragot… ou transformée en ragot. Je ne suis pas devenu diplomate pour en tirer un bénéfice personnel ni obtenir la réussite sociale ni pour mon statut, je suis prêt à faire tout mon possible pour améliorer mon travail et notre coopération, mais je ne souhaite pas œuvrer seul ni devenir un objet d’intrigues et de manœuvres incessantes. Toutefois, je ne démissionnerai pas en silence si ce genre de choses devait se poursuivre. »
    Dodd décida finalement de ne pas remettre sa lettre à Hull. Elle se retrouva classée parmi des documents sous l’étiquette : « Non distribuée ».
    Ce que Dodd ne savait pas encore visiblement, c’est que, avec quinze autres ambassadeurs, il faisait l’objet d’un grand article dans le numéro d’avril 1934 du magazine Fortune . Malgré l’importance de cette publication et le fait qu’elle avait certainement donné lieu à des discussions enfiévrées au sein du Département d’État, Dodd en apprit l’existence  3  beaucoup plus tard, après son retour à Berlin, quand Martha rapporta à la maison un exemplaire qu’on lui avait donné lors d’un rendez-vous chez son dentiste berlinois.
    Titré « Leurs Excellences  4 , nos ambassadeurs », l’article fournissait le nom des intéressés et indiquait leur fortune personnelle, en plaçant un nombre variable de symboles du dollar à côté de leur nom. Jesse Isidor Straus – ambassadeur en France et ancien président de R.H. Macy & Company – était cité comme « $$$$ Straus ». Dodd avait un simple « ¢ » à côté de son nom. L’article tournait en dérision son approche pingre de la diplomatie et laissait entendre que, en louant au rabais sa maison berlinoise à un banquier juif, il profitait de la détresse des Juifs allemands. « Ainsi, annonçait l’article, les Dodd ont-ils trouvé une agréable petite maison, très bon marché, qu’ils gèrent avec seulement quelques domestiques. » L’article notait que Dodd avait emporté sa vieille Chevrolet fatiguée à Berlin. « Son fils était censé le conduire le soir, racontait le journaliste. Mais le fils

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