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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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veut fréquenter les endroits et s’adonner aux activités qui plaisent à la jeunesse, ce qui laisse M. Dodd sans chauffeur (mais en haut-de-forme) dans sa Chevrolet. » Dodd, prétendait-on, était obligé de se faire prendre dans la voiture des officiers subalternes de l’ambassade, « ceux-ci ayant la chance de posséder une limousine avec chauffeur ».
    L’auteur de l’article qualifiait Dodd d’« éléphant universitaire dans un jeu de quilles diplomatique », handicapé par sa relative pauvreté et son manque d’assurance diplomatique. « Moralement très courageux, il est tellement intellectuel, tellement distant des êtres humains ordinaires qu’il parle en utilisant des paraboles, comme un gentleman savant s’adressant à un autre ; et les camarades de sang et d’acier en chemise brune ne le comprennent pas, quand bien même ils le voudraient. Dodd bouillonne donc intérieurement et quand il essaie de durcir le ton, personne n’y prête vraiment attention. »
    Dodd comprit immédiatement qu’un ou plusieurs hauts fonctionnaires, au sein du Département d’État et peut-être même de son bureau à Berlin, avaient livré des détails précis sur sa vie en Allemagne. Il s’en plaignit auprès du sous-secrétaire Phillips. L’article, écrivait-il, « témoigne d’une attitude curieuse  5  et même antipatriotique, vis-à-vis de mes états de service et de mon travail ici. Dans ma lettre d’acceptation, j’ai affirmé au président que je m’engageais à vivre conformément au montant de mon traitement. Comment se fait-il qu’une chose aussi simple et évidente pour moi suscite autant de débats ? » Il cita des diplomates dans l’histoire qui avaient vécu modestement. « Pourquoi me condamner ainsi pour vouloir suivre de tels exemples ? » Il dit à Phillips qu’il soupçonnait que des gens de sa propre ambassade étaient à l’origine de ces fuites, et citait d’autres articles qui avaient reproduit des informations erronées. « Pourquoi tous ces faux bruits, sans aucune allusion à la mission réelle que je m’efforce d’accomplir ? »
    Phillips attendit près d’un mois avant de réagir. « En ce qui concerne l’article dans Fortune  6 , je n’y accorderais pas davantage d’attention. Je n’ai aucune idée d’où proviennent les informations auxquelles vous faites allusion, pas plus que je ne parviens à imaginer comment la presse déniche des ragots (généralement erronés) concernant ma personne ou d’autres de vos collègues. » Il pressa Dodd : « Ne vous laissez pas perturber le moins du monde par cette petite affaire. »
     
    Dodd parvint néanmoins à passer un peu de temps à la Bibliothèque du Congrès pour avancer ses recherches sur son livre, et à séjourner deux semaines dans sa ferme en Virginie, où il écrivit et s’occupa de questions d’agriculture, et fut en mesure de se rendre à Chicago comme prévu, mais cela ne donna pas lieu aux plaisantes retrouvailles qu’il avait espérées. « Une fois sur place  7 , écrivit-il à Martha, tout le monde voulait me voir : coups de téléphone, lettres, visites, déjeuners, dîners sans arrêt. » Il avait répondu à de nombreuses questions la concernant ainsi que son frère, ajoutant : « Mais un seul m’a interrogé au sujet de ton affaire à New York », autrement dit : le divorce de Martha. Un ami avait souhaité lui montrer des exemples « de la façon très correcte dont les journaux de Chicago en ont parlé », mais « cela ne m’intéressait pas de lire les coupures de presse ». Il prononça quelques discours et régla des disputes à l’université. Dans son journal, il signale que, suivant les instructions de Roosevelt, il avait également rencontré deux dirigeants juifs qu’il avait contactés plus tôt, dans le but d’apaiser les protestations de la communauté. Les deux hommes expliquèrent « comment, avec leurs amis, ils avaient calmé  8  leurs coreligionnaires et empêché comme prévu toute manifestation violente à Chicago ».
    Un incident personnel vint compliquer les choses. Pendant qu’il se trouvait à Chicago, Dodd reçut un télégramme lui transmettant un message de sa femme. Après avoir éprouvé l’inquiétude inévitable que les télégrammes des êtres chers ne manquent pas de déclencher, Dodd apprit que la vieille Chevrolet, devenue la figure emblématique de son ambassade, avait rendu l’âme entre les mains

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