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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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officier. « Le résultat de cette conversation, rapporta Regendanz à la Gestapo, fut absolument nul. »
    La soirée tira à sa fin – heureusement, du point de vue de l’ambassadeur français. « Le repas fut lugubre, la conversation insignifiante, raconte-t-il. Je trouvai Röhm somnolent et pesant ; il se réveillait seulement pour se plaindre de sa santé et des rhumatismes qu’il espérait pouvoir soigner à Wiessee » – allusion à Bad Wiessee, ville thermale où Röhm projetait de faire une cure. « En rentrant chez moi, écrit encore François-Poncet, je maudis notre hôte pour cette soirée assommante. »
    Comment la Gestapo avait été informée du dîner et de ses participants, on l’ignore, mais, à cette époque, Röhm devait être l’objet d’une surveillance rapprochée. Les plaques d’immatriculation des automobiles garées devant la maison de Regendanz auraient indiqué à tout observateur un peu averti l’identité des visiteurs.
    Le dîner devint tristement célèbre. Plus tard, au milieu de l’été, l’ambassadeur de Grande-Bretagne, sir Eric Phipps, nota dans son journal que, sur les sept personnages qui assistaient au repas ce soir-là, quatre furent assassinés, un dût fuir le pays sous une menace de mort et un autre fut envoyé en camp de concentration.
    « Le nombre de victimes pour un seul dîner aurait rendu jaloux les Borgias », ajoutait Phipps.
     
    Et il se passa ceci :
    Le jeudi 24 mai, Dodd se rendit à pied  5  pour déjeuner avec Hans-Heinrich Dieckhoff, un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, que Dodd décrivit comme étant « l’équivalent du secrétaire d’État adjoint ». Ils se retrouvèrent dans un petit restaurant discret d’Unter den Linden, la large avenue qui menait vers l’est à partir de la porte de Brandebourg et, d’après Dodd, ils eurent une conversation inouïe.
    Si Dodd voulait voir Dieckhoff, c’était surtout pour lui exprimer son désarroi ; le discours de Goebbels qui comparait les Juifs à la syphilis, pouvant le faire paraître naïf, après tous ses efforts pour calmer les protestations des Juifs aux États-Unis. Il rappela à Dieckhoff que le Reich avait annoncé son intention de fermer le camp de Columbia-Haus et d’appliquer des mandats d’arrêt et autres assurances que l’Allemagne « marquait un relâchement s’agissant des persécutions des Juifs ».
    Dieckhoff était réceptif. Il avoua son opinion personnelle négative au sujet de Goebbels et confia à Dodd qu’il s’attendait à voir bientôt Hitler renversé. Dodd écrivit dans son journal que Dieckhoff « apporta ce qu’il considérait comme des solides preuves que les Allemands ne supporteraient plus très longtemps un système sous lequel ils devaient faire sans arrêt des manœuvres militaires et mourir à moitié de faim ».
    Une telle franchise laissa Dodd pantois. Dieckhoff ouvrait son cœur aussi franchement que s’il se trouvait en Angleterre ou aux États-Unis, au point de dire qu’il espérait que les Juifs américains allaient continuer à organiser des manifestations. Sans eux, les chances de renverser Hitler étaient diminuées.
    Dodd savait que, même pour un homme occupant la position de Dieckhoff, de tels propos étaient dangereux. « J’ai senti la profonde inquiétude d’un haut fonctionnaire, qui risquait sa vie en critiquant ainsi le régime en place. »
    Après avoir quitté le restaurant, les deux hommes arpentèrent Unter den Linden vers l’ouest, en direction de la Wilhelmstrasse, la principale artère du gouvernement. Ils se séparèrent « bien tristement », précise Dodd.
    Dodd regagna son bureau, travailla deux heures, puis entreprit de faire le tour du Tiergarten.
    *  Flammarion, 1947.

40
    U NE RETRAITE
D’ÉCRIVAIN
    L a montée croissante de l’oppression sociale et politique perturbait de plus en plus Martha, malgré sa passion pour les jeunes gens blonds et radieux qu’Hitler attirait par milliers. Un des grands moments de son éducation intervint en mai  1 , quand un ami, Heinrich Maria Ledig-Rowohlt, un habitué du salon de Mildred et Arvid Harnack, l’invita avec Mildred à l’accompagner pour rendre visite à un des rares auteurs en vue ne s’étant pas joint à la longue procession des talents qui fuyaient l’Allemagne nazie, un exode qui comprenait Fritz Lang, Marlene Dietrich, Walter Gropius, Thomas et Heinrich Mann, Bertolt Brecht, Albert

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