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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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livres inoffensifs dont il espérait qu’ils ne heurteraient pas la susceptibilité des nazis, parmi lesquels une série d’histoires pour enfants au sujet d’un jouet qu’on tire : Hoppelpoppel, wo bist du  ? ( Hoppelpoppel, où es-tu ? )
    Il trouva sa carrière brièvement dynamisée par la publication en 1937 d’un roman intitulé Wolf unter Wölfen ( Loup parmi les loups ), que les dirigeants du Parti interprétèrent comme une attaque louable contre l’ancien monde de la république de Weimar et que Goebbels lui-même décrivit comme un « livre formidable ». Malgré tout, Fallada fit de plus en plus de concessions, autorisant au bout du compte Goebbels à suggérer le dénouement de Gustave-de-Fer , son roman suivant, qui décrivait les difficultés de la vie pendant la guerre de 1914-1918. Fallada considérait cela comme une concession prudente. « Je n’aime pas les grands gestes, écrit-il. Me faire massacrer devant le trône du tyran, stupidement, au profit de personne et au détriment de mes enfants, ce n’est pas ma façon de faire. »
    Il admettait néanmoins que ses diverses capitulations avaient de lourdes conséquences sur son œuvre littéraire. Il écrivit à sa mère qu’il n’était pas satisfait de son travail. « Impossible de faire ce qui me plaît… si je veux rester en vie. Alors l’idiot ne donne pas tout ce qu’il a. »
    D’autres écrivains, en exil, observaient avec dédain Fallada et les autres « émigrants de l’intérieur » capituler devant les goûts et les exigences du gouvernement. Thomas Mann, qui passa aux États-Unis les années du nazisme, prononça plus tard leur oraison funèbre : « Cela relève peut-être de la superstition  4  mais, à mes yeux, tous les livres qui ont pu être imprimés en Allemagne entre 1933 et 1945 n’ont pas la moindre valeur et on répugne à les toucher. L’odeur fétide du sang et de l’infamie s’y attache. On devrait tous les mettre au pilon. »
     
    La peur et la tension que Martha observa chez Fallada vinrent compléter l’accumulation de preuves qui, au cours du printemps, avait commencé à saper son engouement pour l’Allemagne nouvelle. Son adhésion aveugle au régime hitlérien faiblit pour laisser d’abord place à une forme de scepticisme bienveillant mais, l’été approchant, elle éprouva une révulsion de plus en plus forte.
    Alors qu’autrefois elle avait voulu interpréter l’incident du tabassage à Nuremberg comme un événement isolé, elle admettait désormais que la persécution des Juifs était devenue pour les Allemands une obsession nationale. Elle était rebutée par la propagande nazie qui ne cessait de vitupérer contre les Juifs, représentés comme les ennemis de l’État. À présent, quand elle écoutait les propos antinazis de Mildred et Arvid Harnack et de leurs amis, elle n’était plus encline à défendre les « êtres étranges » de la révolution naissante, qu’elle avait trouvés si exaltants dans le passé. « Au printemps 1934  5 , écrit-elle, ce que j’avais entendu, vu et éprouvé me révélait que les conditions de vie étaient pires que dans la période précédant Hitler, que le système de terreur le plus élaboré et le plus désespérant gouvernait le pays, réprimait la liberté et le bonheur des gens, et que les dirigeants allemands conduisaient irrémédiablement ces masses dociles et bienveillantes vers une autre guerre, contre leur volonté et à leur insu. »
    Cependant, elle n’était pas encore disposée à dévoiler en public sa nouvelle vision des choses. « Je m’efforçais encore de rester réservée au sujet de mon hostilité, je ne l’exprimais pas. »
    Elle la révélait de façon indirecte en proclamant d’une façon délibérément anticonformiste un intérêt affirmé pour le plus grand ennemi du régime, l’Union soviétique. « Une curiosité commençait à grandir en moi au sujet de la nature de ce gouvernement, tellement vilipendé en Allemagne, et de son peuple, décrit comme totalement impitoyable », se souvient-elle.
    Contre la volonté de ses parents, mais encouragée par Boris, elle commença à préparer un voyage en Union soviétique.
     
    En juin, Dodd avait compris que le « problème juif », comme il continuait de l’appeler, était loin de s’être amélioré. Dans un courrier au secrétaire Hull, il s’exprimait ainsi : « La perspective d’une issue  6  m’apparaît de moins

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