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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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 7 , se rappela Martha par la suite – distribuant sa carte à gauche et à droite, avec une préférence visible pour les destinataires jeunes et jolies. Avec son mètre quatre-vingt-treize, il dépassait d’une tête la plupart des hommes dans la salle et pesait facilement cent dix kilos. « L’air excessivement pataud  8 , tel un énorme pantin accroché à des fils lâches », dit de lui une observatrice. Même au milieu du chahut de la fête, sa voix retentissait tel le tonnerre par-dessus la pluie.
    Tel était, dit Reynolds à Martha, Ernst Hanfstaengl. Officiellement, comme l’indiquait sa carte, il était Auslandspressechef – chef de la presse étrangère – du Parti national-socialiste, bien que ce fût en fait un poste inventé de toutes pièces et sans grande autorité, une fleur que Hitler avait faite à celui qui lui avait accordé son amitié dès les premiers jours, lors de leurs fréquentes entrevues.
    Quand il lui fut présenté, Hanfstaengl dit à Martha : « Appelez-moi Putzi. » C’était son surnom d’enfant, utilisé universellement par ses amis et ses relations, et par tous les correspondants de Berlin.
    Tel était le géant dont Martha avait déjà tellement entendu parler : cet homme au nom impossible à prononcer, impossible à écrire, adoré par nombre de correspondants et de diplomates, détesté et objet de la méfiance de beaucoup d’autres, ce dernier groupe comprenant George Messersmith, qui professait « une antipathie instinctive »  9  pour l’homme. « Il est totalement dépourvu de sincérité  10  et on ne peut croire un mot de ce qu’il dit, notait Messersmith. Il peut professer la plus grande amitié à votre égard alors même qu’il essaie de vous saper ou qu’il est en train de vous attaquer. »
    Au début, Reynolds, l’ami de Martha, avait eu de la sympathie pour Hanfstaengl. À la différence des autres nazis, l’homme « se donnait du mal pour se montrer cordial  11  envers les Américains », notait Reynolds. Hanfstaengl proposait d’organiser des interviews qui, sinon, auraient été impossibles à obtenir et s’efforçait de se présenter aux correspondants comme faisant partie de la bande, un type « sans façon, copain-copain, charmant ». Toutefois, l’affection de Reynolds pour Hanfstaengl fut bientôt douchée. « Il fallait bien connaître Putzi  12  pour vraiment le détester. Et cela, nota-t-il, vint plus tard. »
    Hanfstaengl parlait un anglais parfait. À Harvard  13 , il avait été membre du Hasty Pudding Club, un groupe de théâtre, et avait marqué les esprits à jamais quand, lors d’une représentation, il se déguisa en une jeune Hollandaise du nom de Gretchen Spootsfeiffer. Il avait fait la connaissance dans sa classe de Theodore Roosevelt Jr, le fils aîné de Teddy Roosevelt, et lui rendait régulièrement visite à la Maison-Blanche. On racontait que Hanfstaengl  14  avait joué du piano dans le sous-sol de la Maison-Blanche avec tant d’ardeur qu’il avait cassé sept cordes. Adulte, il avait dirigé la galerie d’art familiale à New York, où il avait rencontré sa future femme. Après s’être installé en Allemagne, le couple était devenu proche d’Hitler, lequel était le parrain de leur fils, Egon. L’enfant l’appelait « oncle Dolf »  15 . Parfois, quand Hanfstaengl jouait du piano pour Hitler, le dictateur pleurait.
    Putzi plut à Martha. Il ne ressemblait en rien à ce qu’elle attendait d’un haut responsable nazi, « proclamant sans vergogne son charme  16  et son talent ». Il était vigoureux et explosait d’énergie, avec des mains de géant aux doigts longs – des mains auxquelles Bella Fromm, l’amie de Martha, trouvait « des dimensions presque effrayantes »  17  – et une personnalité qui sautait facilement d’un extrême à l’autre. « Il avait des manières douces, insinuantes  18 , une voix superbe qu’il utilisait consciemment avec art, chuchotant parfois tout bas et très doucement, pour hurler l’instant d’après en ébranlant la pièce. » Il connaissait parfaitement tous les milieux. « Il pouvait épuiser quiconque  19  et, à force de persévérance, pouvait s’époumoner ou murmurer plus bas que l’homme le plus robuste de Berlin. »
    Hanfstaengl se prit également d’amitié pour Martha mais il n’avait pas une très haute opinion de son père. « C’était un modeste petit professeur d’histoire

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