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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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mais qu’ils n’étaient absolument pas d’accord avec cette méthode consistant à résoudre le problème avec une brutalité souvent impitoyable ».
    Dodd décrivit sa rencontre avec Fritz Haber, le chimiste.
    « Oui, admit von Neurath. Je connais Haber et le tiens pour un des plus grands chimistes de toute l’Europe. » Le ministre convint que le traitement des Juifs en Allemagne était aberrant et expliqua que ses services préconisaient une attitude plus humaine. Il affirmait percevoir des signes de changement. Cette même semaine, racontait-il, il était allé aux courses à Baden-Baden et trois Juifs éminents s’étaient assis près de lui et d’autres hauts fonctionnaires à la tribune, « et il n’y a eu aucune manifestation d’hostilité.»
    « Vous ne pouvez espérer que l’opinion mondiale à votre sujet se modère tant que des dirigeants comme Hitler et Goebbels annonceront publiquement, comme à Nuremberg, que tous les Juifs doivent être éradiqués de la surface de la Terre. »
    Dodd se leva pour partir. Il se tourna vers le ministre d’Hitler : « Aurons-nous une guerre ? » demanda-t-il.
    De nouveau, von Neurath s’empourpra : « Jamais !
    – Vous devez vous rendre compte que l’Allemagne serait ruinée par une autre guerre », ajouta Dodd avant d’ouvrir la porte.
    Et il quitta le bâtiment, « un peu inquiet de [s’être] montré aussi franc et critique ».
     
    Le lendemain même, le consul américain de Stuttgart, en Allemagne, adressa un communiqué « strictement confidentiel » à Berlin dans lequel il signalait que la société Mauser, qui relevait de son territoire, avait brusquement augmenté sa production d’armes. « Aucun doute ne peut plus subsister  2 , écrivait le consul, quant au fait que l’Allemagne se prépare à une nouvelle agression à grande échelle contre d’autres pays. »
    Peu après, le même consul signala que la police allemande avait mis en place un contrôle étroit sur les routes nationales et arrêtait systématiquement les voyageurs pour procéder à une fouille approfondie des personnes, des voitures et des bagages.
    En une occasion tristement célèbre  3 , le gouvernement ordonna une interruption de toute la circulation à l’échelle nationale entre douze heures et douze heures quarante afin que des brigades de police puissent fouiller tous les trains, camions et cars en circulation. L’explication officielle, citée par les journaux allemands, était que la police recherchait des armes, de la propagande étrangère et des preuves concernant la résistance communiste. Des Berlinois cyniques souscrivaient à une autre interprétation : ce que la police espérait vraiment trouver et confisquer, c’étaient des exemplaires de journaux suisses et autrichiens insinuant que Hitler lui-même pourrait avoir des ancêtres juifs.

16
    U NE REQUÊTE
CONFIDENTIELLE
    L es attaques contre les Américains, ses protestations, le caractère imprévisible d’Hitler et de ses subalternes, et le fait de devoir prendre des précautions à l’égard du comportement officiel qui, partout ailleurs, aurait été puni par un séjour en prison… Dodd trouvait tout cela usant. Il était accablé de maux de tête et de troubles digestifs. Dans une lettre à un ami, il confiait que ses fonctions d’ambassadeur étaient « une affaire déplaisante et pénible »  1 .
    Et pour faire bonne mesure, il y avait les problèmes quotidiens auxquels même les ambassadeurs doivent faire face.
    À la mi-septembre, les Dodd prirent conscience d’un vacarme provenant du quatrième étage de la maison de Tiergartenstrasse, qui n’était en principe occupé que par Panofsky et sa mère. Sans prévenir Dodd, une équipe de charpentiers avait débarqué et, à partir de sept heures tous les matins, commença à frapper, à scier et à mener grand tapage, et continua de la sorte pendant deux semaines. Le 18 septembre, Panofsky envoya un bref message à Dodd : « Je vous informe par la présente  2  que, au début du mois prochain, ma femme et mes enfants reviendront à Berlin après leur séjour à la campagne. Je suis convaincu que le confort de Votre Excellence et de Mme Dodd ne s’en trouvera pas affecté, car j’aspire à rendre votre séjour dans ma maison aussi plaisant que possible. »
    Panofsky installa sa femme et ses enfants au quatrième étage, avec plusieurs domestiques.
    Dodd fut outré. Il rédigea une lettre

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