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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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étrange, Dodd quitta néanmoins le chancelier avec la conviction que Hitler était sincère dans son désir de paix. Il était toutefois inquiet à l’idée d’avoir de nouveau violé les usages diplomatiques. « Peut-être me suis-je montré trop franc  6 , écrivit-il plus tard à Roosevelt. Mais je me devais d’être honnête. »
    À dix-huit heures ce jour-là, il envoya un câble de deux pages au secrétaire Hull avec un compte rendu de la rencontre qu’il conclut en ces termes : « L’effet global de l’entrevue  7  a été plus favorable, en vue du maintien de la paix, que je ne l’escomptais. »
    Dodd communiqua également ces impressions au consul général Messersmith, qui adressa alors une lettre au sous-secrétaire Phillips – de dix-huit pages, une bonne longueur – dans laquelle il semblait résolu à saper la crédibilité de Dodd. Il contestait l’appréciation de l’ambassadeur sur Hitler. « Les assurances du chancelier  8  ont été si satisfaisantes et si inattendues que je pense qu’elles sont dans l’ensemble trop belles pour être vraies, écrit Messersmith. Nous devons garder à l’esprit, à mon sens, que quand Hitler déclare quelque chose il se persuade sur le moment que c’est vrai. Il est fondamentalement sincère ; mais c’est en même temps un fanatique. »
    Messersmith recommandait le plus grand scepticisme concernant les protestations de bonne foi d’Hitler. « Je crois que, pour le moment, il désire sincèrement la paix, mais c’est une paix selon ses termes et avec une armée qui ne cesse de se renforcer afin d’imposer sa volonté au moment crucial. » Il réaffirmait sa conviction que le gouvernement d’Hitler ne pouvait être considéré comme un organe rationnel. « Il y a tellement de cas pathologiques impliqués qu’il est impossible de dire d’un jour à l’autre ce qui va arriver, tout comme le gardien d’une maison de fous est dans l’incapacité de dire ce que ses internés feront dans l’heure ou le jour suivant. »
    Il conseillait vivement la prudence, incitant en réalité Phillips à considérer avec scepticisme la conviction de Dodd que Hitler voulait la paix. « Je crois que pour le moment… nous devons nous garder de tout optimisme exagéré suscité par les déclarations apparemment rassurantes du chancelier. »
     
    Le matin du rendez-vous que Putzi Hanfstaengl avait organisé entre Martha et Hitler, celle-ci s’habilla avec soin, considérant qu’elle avait été « désignée pour changer le cours de l’histoire de l’Europe »  9 . Cela lui semblait être une plaisanterie de premier ordre. Elle était curieuse de rencontrer cet homme qu’elle prenait autrefois pour un clown, mais dont elle était à présent convaincue qu’il « avait une personnalité éclatante et radieuse, qui devait posséder une puissance et un charme irrésistibles ». Elle décida de mettre « ce qu’elle avait de plus sage et de plus intéressant », rien de trop spectaculaire ou révélateur, car l’idéal féminin des nazis était une femme qui portait peu de maquillage, s’occupait de son mari et donnait naissance à de très nombreux enfants. Les Allemands, écrit-elle, « veulent que leurs femmes se fassent voir mais pas entendre, et encore, qu’elles soient vues seulement comme des appendices du splendide mâle qu’elles accompagnent ». Elle envisagea de porter une voilette.
    Hanfstaengl vint la prendre dans son énorme limousine pour la conduire au Kaiserhof, sept rues plus loin sur la Wilhelm Platz, tout près du coin sud-est du Tiergarten. C’est dans ce grand hôtel au hall profond et au portique voûté à l’entrée que Hitler avait résidé jusqu’à son accession aux fonctions de chancelier. À présent, il venait souvent pour déjeuner ou pour le thé, entouré de sa « Chauffeureska ».
    Putzi avait fait en sorte que vienne les rejoindre un autre invité, un ténor polonais, Jan Kiepura, âgé de trente et un ans. Hanfstaengl, connu et au physique facilement repérable, était traité avec déférence par le personnel du restaurant. Une fois assis, Martha et les deux hommes bavardèrent en prenant un thé et attendirent. Un peu plus tard, un brouhaha se fit entendre à l’entrée de la salle de restaurant et bientôt monta l’inévitable raclement des chaises sur le sol au milieu des cris de « Heil Hitler ! » .
    Hitler et ses sbires – comprenant, effectivement, son

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