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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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chauffeur – prirent place à la table voisine. D’abord, Jan Kiepura fut placé aux côtés d’Hitler avec lequel il parla musique. Hitler ne semblait pas conscient que, en vertu de la loi nazie, Kiepura était catalogué comme juif du côté de sa mère. Quelques moments plus tard, Hanfstaengl s’approcha de lui et se pencha pour parler à l’oreille du Führer. Il revint promptement vers Martha pour lui annoncer que Hitler allait maintenant la voir.
    Elle s’approcha de la table et resta debout pendant que Hitler se levait pour la saluer. Il lui prit la main et la baisa, prononça quelques mots tranquilles en allemand. Elle le dévisagea soigneusement : « Un visage faible, mou, des cernes sous les yeux, les lèvres pleines et une ossature à peine visible. » À cette distance, la moustache « ne semblait pas aussi ridicule qu’elle apparaissait sur les photographies… en fait, ce fut tout juste si j’y ai prêté attention ». Ce qu’elle remarqua le plus, ce furent les yeux. Elle avait entendu dire qu’il y avait quelque chose de perçant et d’intense dans son regard et à présent, immédiatement, elle comprit. « Les yeux d’Hitler, écrit-elle, étaient saisissants et inoubliables… ils semblaient de couleur bleu pâle, étaient intenses, fixes, hypnotiques. »
    Cependant, il avait des manières douces – « excessivement douces », précise-t-elle –, plutôt celles d’un adolescent timide que d’un dictateur inflexible. « Effacé, expansif, sans façons, il avait un certain charme tranquille, presque une tendresse dans le discours et le regard. »
    Hitler se retourna vers le ténor et, avec ce qui semblait être un intérêt réel, raviva leur conversation sur la musique.
    Il « semblait modeste, de classe moyenne, plutôt terne et complexé – mais avec cette étrange tendresse et cette faiblesse émouvante, poursuit-elle. J’avais du mal à croire que cet homme était l’un des plus puissants d’Europe ».
    Martha et Hitler se serrèrent de nouveau la main et, pour la seconde fois, il l’effleura de ses lèvres. Elle retourna à sa table et à Hanfstaengl.
    Ils s’attardèrent encore un peu, finirent leur thé, tendant l’oreille pour saisir la conversation entre Kiepura et Hitler. De temps à autre, Hitler lançait dans la direction de la jeune femme « des regards curieux, embarrassés », d’après elle.
    Ce soir-là, au dîner, elle raconta à ses parents sa rencontre et combien le Führer s’était montré charmant et paisible. Dodd fut amusé et concéda que « Hitler n’était pas sans charme  10  en tant que personne ».
    Il taquina sa fille, lui disant de noter exactement l’endroit où les lèvres du Führer avaient effleuré sa peau et lui recommanda que si elle devait absolument se laver la main, qu’elle prenne grand soin de contourner le pourtour du baiser.
    « J’étais un peu furieuse  11  et vexée », conclut-elle.
    Il n’y eut pas de nouvelle rencontre entre Martha et Hitler, et elle n’avait pas sérieusement espéré que cela se produise, même s’il se révéla, quelques années plus tard, qu’elle revint à l’esprit du Führer en au moins une autre occasion. Pour sa part, tout ce qu’elle avait voulu, c’était rencontrer l’homme et satisfaire sa curiosité. Il y avait d’autres hommes dans son cercle qu’elle trouvait infiniment plus attirants.
    L’un de ceux-ci était revenu dans sa vie, en l’invitant pour une rencontre des plus exceptionnelles. À la fin d’octobre, Rudolf Diels était rentré à Berlin et avait récupéré son ancien poste de chef de la Gestapo, paradoxalement avec plus de pouvoir qu’avant son exil en Tchécoslovaquie. Non seulement Himmler avait présenté à Diels des excuses pour la descente à son domicile, il lui avait également promis le grade de Standartenführer , ou colonel des SS.
    Diels lui envoya des remerciements mielleux : « En m’accordant le grade  12  de Obersturmbannführer der SS , vous m’avez causé plus de joie que je ne saurais l’exprimer en ces quelques mots de remerciements. »
    Hors de danger pour le moment, Diels invita Martha à assister à la prochaine séance du procès pour l’incendie du Reichstag, qui se déroulait à la Cour suprême de Leipzig depuis presque un mois, mais allait se poursuivre à Berlin, la scène du crime. Le procès était censé être expédié rapidement et se terminer par la condamnation et, dans l’idéal,

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