De Gaulle Intime : Un Aide De Camp Raconte. Mémoires
personnellement, au cours de ce voyage, ont assuré la sécurité du chef de l’État.
Le général de Gaulle a besoin de se reposer dans sa demeure de Colombey à intervalles réguliers – tous les quinze jours quand son emploi du temps le lui permet. Cela l’aide à « tenir le coup » dans le travail écrasant qui lui incombe.
Il s’y rend toujours par le même itinéraire, le plus direct, Paris, Provins, Nogent, Pont-sur-Seine, Romilly, Troyes, Bar-sur-Aube, soit environ deux cent quarante kilomètres.
L’OAS a proclamé qu’elle veut éliminer le président de la République, et ce qui devait advenir advient : le vendredi soir du 8 septembre 1961, un engin de forte puissance, dissimulé dans un tas de graviers en bordure de route à proximité de Pont-sur-Seine, explose dans un grand nuage de feu. La voiture du chef de l’État le traverse sans dommage. Seule l’essence s’est enflammée. L’explosif en plastique n’a heureusement pas explosé, sans quoi c’en était fini du Général, de Mme de Gaulle, du lieutenant-colonel Teisseire et du chauffeur, le gendarme Marroux.
Le guetteur-artificier, Villemandy, arrêté rapidement sur place, prétend qu’il a été prévenu, par une taupe de l’Élysée, du déplacement du Général dès le mardi précédent.
J’affirme à Roger Frey, ministre de l’Intérieur, qui m’a transmis le dossier d’interrogatoire pour information, que cela est impossible puisque le Général devait déjeuner, en privé, le samedi avec le professeur Morazé et que le rendez-vous a été annulé au dernier moment. D’ailleurs, comme je le précise à Frey, point n’est besoin de taupes. L’observation des sorties de l’Élysée, du passage des voitures le long du trajet, comme celle du comportement des gendarmes qui saluent aux carrefours dangereux, suffisent à renseigner les assassins sur la progression du convoi. Quant aux convois fantômes transportant un sosie du Général, ils ne trompent personne.
Selon moi, la sécurité repose sur le secret et la diversification des trajets et, de manière ultime, sur la voiture suiveuse, encore que je ne sois pas très convaincu de l’efficacité de celle-ci dans une action menée brusquement et brièvement.
J’explique au ministre de l’Intérieur que trois trajets sont possibles pour Colombey : le direct, par Provins, Romilly, Troyes, Bar-sur-Aube ; celui du nord, par Sézanne et Saint-Dizier ; celui du sud, par Sens, Villeneuve-l’Archevêque, Troyes, Bar-sur-Aube. Et je conclus qu’il faut laisser à l’aide de camp la liberté de choisir l’itinéraire. Ce que Frey obtiendra du Général, à condition que le trajet n’excède pas trois heures.
Ainsi, la première fois que j’ai accompagné le président de la République à Colombey, j’emprunte le trajet sud, puis remonte par Provins pour gagner le trajet nord.
Rendu chez lui, le Général s’assoit dans son fauteuil avant de consulter sa montre :
— Trois heures et dix minutes, me dit-il.
Je fais celui qui n’a pas entendu, estimant que sa sécurité vaut bien un léger dépassement d’horaire.
On ne peut pas toujours ruser avec des assassins déterminés. Il arrive que des circonstances rendent plus facile la mise en oeuvre de leurs funestes desseins.
Le matin du 22 août 1962, le Général, en vacances à Colombey, doit se rendre à Paris pour y présider le Conseil supérieur de la magistrature. Le voyage s’effectue en avion à partir de l’aérodrome militaire de Saint-Dizier. Depuis le 24 juin, à la suite des accords d’Alger entre le GPRA et l’OAS, celle-ci a cessé ses opérations d’assassinats et de destructions en Algérie.
Logiquement on peut penser qu’elle a également abandonné son projet d’exécuter le chef de l’État. À moins d’imaginer un acte de vengeance ou que le meurtre ne s’inscrive, pourquoi pas, dans une opération plus large, celle d’un coup d’État ?
Toujours est-il que ce 22 août le Général, une fois terminée la réunion du Conseil de la magistrature, s’en va reprendre, à la tombée de la nuit, son avion à Villacoublay. Il est la cible d’un attentat au Petit-Clamart. Aurais-je été de service, ce jour-là, j’aurais certainement emprunté la route des Gardes à travers les bois de Meudon, laissant toute latitude aux conjurés d’accomplir leur forfait.
Le général de Boissieu, qui a rejoint sa femme à Colombey, sert d’aide de camp à ses beaux-parents. On
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