De Gaulle Intime : Un Aide De Camp Raconte. Mémoires
rôle, certes discret, mais relativement important.
Le 26 décembre 1959, Pierre de Gaulle, frère du Général, meurt, dans le bureau de Foccart à l’Élysée, d’une rupture d’anévrisme.
Profondément affecté, le Général décide, après les obsèques, de se rendre à l’hostellerie de l’abbaye de la Celle, proche de Brignoles dans le Var, où il a déjà résidé pendant sa traversée du désert. Le trajet s’effectue par la route au départ de Paris le 4 janvier 1960. Fort heureusement le froid est sec, rendant la nationale sûre.
Mme de Gaulle a fait préparer un panier en prévision d’un pique-nique. À l’heure du déjeuner, près de Tournus, je fais obliquer le convoi dans les monts du Mâconnais afin de trouver un endroit favorable. Nous découvrons une jolie clairière. Sans plus de façons, le Général s’assied sur une souche, le sandwich à la main. Un petit soleil hivernal éclaire la scène. Et voilà que des bûcherons descendent vers la vallée, leur travail terminé. Ils ont repéré les deux DS immatriculées 75 mais n’ont pas reconnu le président de la République.
Goguenards, ils s’adressent à notre groupe :
— Alors, les Parisiens, on se les chauffe ?
De Gaulle ne bronche pas et les laisse poursuivre leur descente…
L’abbaye de la Celle est atteinte à la nuit. Le Général s’y repose, médite, se promène dans les vignes avec ma femme à laquelle il rendra visite, dans notre maison du Brusc, à quarante-cinq kilomètres de la Celle.
Or, dès notre retour à Paris le 11 janvier, il me revient que le bruit court dans les armées que le Général est désabusé, qu’il ne pense plus qu’à la mort ! Ainsi procède l’action psychologique, lançant de fausses informations.
Mars 1961. Le Général a l’intention d’assister à Toulon à la communion privée de son petit-fils Jean. « Petit Jean », fils de mon camarade Philippe alors aviateur d’une escadrille de l’aéronavale à la base d’Hyères-Le Palyvestre.
Le Général me demande de voir, avec l’amiral Galleret, préfet maritime de Toulon, s’il pourrait résider chez lui à Baudouvin le temps du week-end, et précise :
— N’en parlez à personne.
Une injonction rien moins que facile à tenir. En effet, si j’ai, naturellement, obtenu l’accord de l’amiral Galleret, comment ne pas informer le préfet du Var de la venue du président de la République dans son département, le samedi 11 mars ? Je décide de lui en parler au téléphone à mots couverts le jeudi :
— L’amiral Galleret m’a mis au courant, me dit-il.
Je fais préparer l’avion pour le samedi comme s’il s’agissait d’un week-end ordinaire à Colombey. Mais, ce samedi matin, l’amiral Galleret a lâché l’information à la presse locale ! Aussitôt, les journalistes interrogent l’Élysée pour confirmation et le chef de cabinet se tourne vers moi pour s’informer. Je lui mens effrontément – qu’il me le pardonne aujourd’hui – en lui disant que j’ai fait préparer l’avion pour Saint-Dizier, destination Colombey.
À cette date du 11 mars, l’OAS est apparue au grand jour, mais elle n’a pas encore commencé sa vague d’attentats à Paris, déclenchée les 17 et 18 du même mois. Il est fort probable que le Général dispose de renseignements sur la menace qui pèse sur sa personne, l’OAS ayant décrété son élimination physique. D’où le soin qui est pris à conserver son voyage secret le plus longtemps possible.
Moi-même je suis circonspect. Alors que, à l’aérodrome de Hyères-Le Palyvestre, le chef de cabinet du préfet maritime veut que nous le suivions pour nous rendre à Baudouvin, je réussis à le semer et arrive sans escorte et sans encombre à la résidence. J’avais, conjointement, convaincu la police locale de prendre de l’avance sur nous, au prétexte que le président de la République était en vacances.
Le lendemain dimanche, le Général doit se rendre à Saint-Jean Bosco, au Mourillon. Je me concerte, à nouveau, avec la police locale sur le trajet à suivre et lui sers les mêmes arguments que la veille pour qu’elle ne soit pas sur nos talons. Compte tenu de ma connaissance des divers itinéraires possibles, le Général est arrivé à Don Bosco pour la cérémonie, sans rencontrer aucun problème.
Sachant les actions criminelles qu’envisageait alors l’OAS, je suis convaincu que les mesures dilatoires que j’ai prises
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