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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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à l’aide du fût de son arbalète, mais il s’aperçut, horrifié, que d’autres corps décomposés avaient sombré sous lui.
    Au moins quatre.
    Le cadavre se renversa : son visage était mutilé, il lui manquait les yeux et la mâchoire inférieure. Son ventre était ouvert sur deux empans et entièrement éviscéré. L’abdomen ressemblait à la poche d’une outre ; Aba y distingua l’ossature du squelette, les côtes, le sternum et les vertèbres.
    Les autres dépouilles étaient elles aussi incomplètes : un bras manquait, ou deux jambes, la tête, le bassin fendu, les parties basses amputées ou le crâne trépané et ouvert sur toute sa circonférence.
    Le père Aba prit la fuite, courant sans parvenir à chasser ces images d’horreur de ses pensées.

C HAPITRE 0 6
    À Olomouc, Rainerio quitta la ville à cheval, en compagnie de Daniel Jasomirgott, peu avant la fermeture des portes qui devaient protéger les habitants des pillards.
    Ils prirent la direction de Most, au nord-ouest de Prague, distant d’une centaine de lieues.
    Rainerio n’avait demandé qu’une chose à l’ancien ami de son maître Otto Cosmas : être conduit auprès du roi de Bohême, Venceslas II.
    « Mes révélations sont d’abord pour lui. Ensuite, je solliciterai une audience devant l’empereur ! »
    Lorsqu’il eût expliqué ses découvertes à Jasomirgott, celui-ci résolut de l’accompagner, quitte à abandonner sa ville dans la tourmente.
    — C’est trop grave.
    Leur route se révéla jonchée d’obstacles. Rainerio découvrit des populations décimées par la famine et par les affrontements pour le trône qui ravageaient le royaume depuis quinze ans. Nulle part, depuis son départ de Rome et la longue traversée de la Carinthie et de la Styrie, il n’avait été le témoin d’autant de détresse.
    Les bandes armées régentaient le pays. Les villages étaient incendiés, des familles jetées sur les routes.
    Rainerio apercevait au loin les campements de fortune et traversait des hameaux qui venaient de subir un coup de filet. Il comprit pourquoi les habitants de Viska, le village de Marek, étaient allés se terrer en pleine forêt ; ils préféraient risquer les loups plutôt que les bandes pillardes des plateaux et des vallées.
    Daniel Jasomirgott, qui connaissait tous les raccourcis de forêt, leur faisait éviter les abords des villes.
    Rainerio dut insister pour s’arrêter dans un bourg et aller se recueillir devant l’autel d’une église.
    Il pénétra dans le lieu de culte et, longuement, pria, cierge en main, pour la sauvegarde de sa sœur Zapetta et de leurs parents, abandonnés à Rome. Il suppliait le Ciel de comprendre ses hautes raisons.
    Arrivé à proximité de Most, là encore, Rainerio ne pénétra point la cité ; après s’être renseigné, Daniel Jasomirgott les fit entrer dans la forêt pour rejoindre un campement d’hommes en armes établi autour d’un feu, pourvu de quelques tentes dressées contre les arbres.
    Une bande de pillards.
    Rainerio s’étonna :
    — N’essayons-nous pas de leur échapper ?
    — C’est la cour de Venceslas II de Bohême, répondit le vieux compagnon d’Otto Cosmas. N’est-ce pas l’endroit où tu m’as demandé de te mener ?
    Surpris, Rainerio approcha de ces personnages aux cheveux noirs, courtauds, crottés jusqu’aux cuisses, que rien ne différenciait des crocheteurs qui infestaient les routes. Seules les femmes affichaient ici un port et une élégance qui les distinguaient des catins entraperçues sur d’autres bivouacs.
    Les deux voyageurs mirent pied à terre. On s’empressa de les fouiller. Jasomirgott se vit démis de ses armes.
    Ils furent escortés sous la tente royale. Elle n’était ni plus vaste, ni plus fastueuse que les autres. Cinq hommes s’y trouvaient accroupis, riant fort et mordant dans des quartiers de viande. Deux d’entre eux se levèrent et posèrent le poing sur le pommeau de leur épée. Le silence se fit, les regards tournés vers Rainerio. Jasomirgott s’était agenouillé derrière lui, tête baissée.
    Rainerio fit un pas vers l’un des hommes assis, le plus puissant, le visage buriné et barré de cicatrices. Il salua.
    L’homme sourit et désigna du regard un autre personnage. Rainerio découvrit que le roi de Bohême, Venceslas II, de la dynastie des Premyslides, était un jeune homme frêle, à l’air maladif, à peine âgé de dix-sept ans.
    Tous s’égayèrent de la méprise de

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