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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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la canonisation des serviteurs de Dieu . Il se dit que pour un jeune homme sorti de nulle part comme Rainerio, c’était une chance bien incroyable d’approcher une institution aussi importante.
    — Et le Promoteur de Justice, de qui s’agit-il ?
    — Durant le procès de canonisation, défense et accusation s’affrontent. D’un côté, le « Promoteur de la Cause » défend les mérites du futur saint ; de l’autre, le « Promoteur de Justice » a pour devoir de prouver que le défunt ne peut être retenu au nombre des élus. Il instruit à charge. On l’appelle aussi l’« avocat du Diable ».
    — Je connais ces commissions locales qui enquêtent sur les saints, j’ai même assisté à des procès publics.
    Le prêtre sourit.
    — Ce qui se passe en public ne sert qu’à divertir la foule. En réalité, les choses sérieuses sont décidées bien avant, à huis clos, au sein de la Sacrée Congrégation. Tous les diocèses catholiques rêvent de posséder leur propre saint ; les requêtes en canonisation se comptent par centaines chaque année. Certains évêques et fidèles ne reculeraient devant aucune bassesse pour faire canoniser l’un des leurs. Le rayonnement d’un nouveau saint attire des pèlerins et permet à toute une région de s’auto-célébrer.
    Il haussa les épaules :
    — Beaucoup de profits sont en jeu, et tous les Promoteurs ne sont pas incorruptibles. Aussi la véritable Sacrée Congrégation s’efforce-t-elle de rester secrète afin de ne pas prêter le flanc aux pressions et aux manœuvres financières. Hormis ses membres, personne ne connaît ses véritables modalités. Même un cardinal comme moi.
    Bénédict songea que si Rainerio était, comme il le prétendait devant sa sœur, au service d’un Promoteur de Justice, il était au cœur des débats, mais du côté le plus honni qui soit.
    — Où la Congrégation tient-elle ses sessions ?
    — Les discussions se finalisent au palais du Latran, parfois en présence du pape. Mais je sais qu’il existe des satellites dans les États pontificaux, ne serait-ce que pour enregistrer les nombreuses suppliques de nouvelles figures.
    Bénédict mit le peu de bois qui restait à brûler dans le poêle. Il constata combien cette sacristie était triste, privée de tous les ornements sacrés qui servaient à la messe. Le placard des cierges était vide, il ne restait qu’un vase gris de poussière posé à terre et qui ressemblait de loin à un calice. Bénédict vit sur un lutrin le seul livre en la possession de Cecchilleli : les Morales sur Job rédigées par le pape Grégoire le Grand.
    Il l’interrogea de nouveau :
    — Connaissez-vous quelqu’un qui pourrait y siéger encore et auprès de qui je parviendrais à me renseigner ? Ou un Promoteur de Justice ?
    Cecchilleli réfléchit.
    — En ce qui regarde les Promoteurs de Justice, je n’en connais qu’un, mais c’est le plus prestigieux : Henrik Rasmussen, un Flamand, ancien archevêque de Tournai. Je sais qu’il a très longtemps occupé ce rôle de Promoteur de Justice à la Congrégation. Il s’est fait reconduire de nombreuses fois, éprouvant un plaisir manifeste à briser toutes les prétentions à la sainteté !
    Il sourit.
    — Les serviteurs de Dieu qui ont été défiés par Rasmussen ont immanquablement perdu leur procès de canonisation. Il n’est pas impossible qu’il soit toujours en poste.
    — Et où puis-je trouver Henrik Rasmussen ?
    — Il possède un palais via Nomentana. C’est l’un des plus beaux de la ville. Sa sœur et lui sont immensément riches.
    Bénédict le remercia pour ses précisions :
    — Comme toujours, vous m’êtes d’un secours inégalable !
    — Ne tarde pas à revenir me voir, l’avertit Cecchilleli. Vu mon âge, il n’est pas prudent de trop remettre ses visites…
    Le vieil homme raccompagna son ami. Ils s’étreignirent, le vieil homme partit visiter ses mendiants et Bénédict quitta l’église Sant’Elena.
    Non loin de là, il pénétra dans un débit de bois et de charbon et passa une importante commande de combustible à livrer à Cecchilleli. Il requit aussi que l’on tapisse la sacristie avec deux doigts de paille fraîche.
    Ensuite il reprit une voiture de louage pour rejoindre la via Nomentana.
    Sur la route, Bénédict Gui réfléchit aux propos de Zapetta. D’après elle, le maître de Rainerio, Otto Cosmas, écrivait une vie des saints et son frère aurait fini l’ouvrage

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