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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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Perrot… Perrot… Perrot…

C HAPITRE 04
    Débarrassé de Maxime de Chênedollé et de sa piteuse affaire de contrat, Bénédict Gui put quitter sa boutique de la via delli Giudei et débuter son enquête sur Rainerio.
    Sitôt dans la rue il s’entendit interpeller par les passants. Bénédict était renommé pour être l’ami des petites gens ; rien d’important ne se décidait sans qu’il fût consulté. Ses arbitrages étaient droits ; ses conseils, justes ; et ses avis, bienveillants. Il en résultait que chacun, à un titre quelconque, lui était redevable.
    Marcello Doti, un négociant en tissu, lui tomba dessus au sortir de sa boutique pour le remercier : cela faisait des mois qu’il était victime de terribles cauchemars. Son confesseur parlait de possession diabolique ; en galéniste convaincu, Bénédict Gui allégea le menu de ses repas du soir et le sommeil de Doti échappa aux « attaques » des démons…
    Après Doti, ce fut le gros Vincenzo Porticcio, l’un des marchands les plus riches de la via delli Giudei, qui voulut l’entretenir d’un sujet d’importance ; mais Bénédict rétorqua que le temps lui manquait. Il savait que Porticcio n’avait qu’une idée en tête : lui faire épouser l’une de ses filles, estimant qu’il n’y aurait meilleure affaire que de compter un homme aussi habile que lui parmi les siens.
    Personne n’ignorait que Bénédict était veuf. Chaste et solitaire, toujours en habits de deuil, on disait de sa vie qu’elle se passait entre ses deux oreilles , tant ses jours étaient consacrés à la réflexion, coupés des passions du monde.
    Bénédict finit par échapper aux salutations de ses voisins et se dirigea vers le Tibre dont il longea les berges en direction du pont Milvius, non loin des remparts.
    Il dut, à un moment, interrompre sa marche : des monceaux de détritus condamnaient le passage qui menait sous le pont. D’aucuns auraient fait demi-tour ; Bénédict gravit des caissons entassés à la renverse et contourna l’amas d’ordures, le pied posé sur des barriques instables, suivant un chemin connu seulement des chats et des rats. D’ordinaire, dès les premières chaleurs, l’endroit était envahi de grosses mouches et de relents pestilentiels.
    Sans faillir, il gagna l’autre côté.
    Là, tout était net et impeccable ; quelques structures de bois étaient rangées le long du pourtour en pierre de la berge. Le sol était pavé et lavé.
    Bénédict avança vers un feu de camp où se tenaient trois hommes qui lui firent un bref salut de la main.
    Quatre cadavres nus moisissaient non loin d’eux.
    Au bord de l’eau, un gaillard se tenait accroupi, les braies descendues sur les cuisses, ses pieds sur deux rondins. Il sourit en voyant paraître Bénédict Gui.
    Il termina ses besoins et vint à lui.
    — Tu te fais rare, vieil ami !
    L’homme n’était pas surpris de voir Gui : ce dernier avait été annoncé par les guets qui protégeaient cette portion du Tibre.
    Le groupe d’hommes présents sur la berge répondait dans Rome au nom étrange des « Laveurs ».
    Ils ne quittaient jamais les eaux du fleuve.
    Le libre, fidèle à son nom qui venait d’un nommé Tibère noyé dans ses eaux, était une sorte de monstre qui avalait les morts de la ville : trois quarts des suicidés ou des assassinés finissaient basculés dans son lit. Charriés à la surface, ils ne disparaissaient pas pour tout le monde : les Laveurs, postés au dernier pont avant la sortie de Rome, rattrapaient leurs dépouilles flottantes. Ils les pillaient, les détroussaient, les mettaient complètement à nu, avant de les rendre au courant. Aucun corps ne leur échappait, pas même ceux que l’Église avait enveloppés dans un sac avec la mention écrite : «  Laissez passer la justice de Dieu. »
    Ce commerce morbide était florissant et tenait tout entier entre les mains de ces gens que venait visiter Bénédict Gui.
    Une autre équipe, celle des « Sans Merci », avait, elle, la charge de dépiauter les pendus et les décapités condamnés par l’ordre public. Ensemble, ils se partageaient à Rome les fruits de ce trafic infâme, sur lequel les autorités fermaient les yeux pour prix de leur tranquillité.
    Plusieurs crimes avaient été démêlés par Gui grâce aux Laveurs.
    — Je cherche un jeune homme, leur expliqua-t-il. Disparu depuis une semaine.
    Il décrivit le personnage de Rainerio, d’après les informations fournies par

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