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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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s’il se remettait exceptionnellement vite de ses blessures, il tardait néanmoins à arrêter des décisions :
    — Sans doute est-il temps de quérir de l’aide, mon père ? suggéra-t-il. Informer le bailli de Cahors ? Ou le seigneur de notre domaine qui pourrait fournir ses gens afin d’assurer notre défense et aller récolter de plus sûres informations sur les ravisseurs ?
    Aba répondit par la négative.
    — D’abord le bailli ne quitte jamais Cahors. Quant au comte de Chaumeil, il est au plus mal avec l’Église : il s’en est pris à ses voisins lors de jours fériés et il lui est reproché d’employer des juifs dans la gestion de sa maison. S’en remettre à lui serait nous déconsidérer aux yeux de nos supérieurs.
    — L’évêché, alors ? estima Augustodunensis. Monseigneur Beautrelet de Cahors doit nous soutenir !
    Le père Aba secoua la tête en homme qui doute.
    — Posons qu’un envoyé de l’évêque soit dépêché entre nos murs : nous ne pourrons plus l’en déloger. S’il est inquisiteur, il cherchera à prouver que le malheur de Cantimpré ne vient pas de cavaliers impossibles à identifier, mais de Cantimpré lui-même ! Il lui importera peu de retrouver Perrot ou de venger Maurin. Il faut nous débrouiller seuls.
    Il n’en dit pas plus au vicaire.
    Lorsqu’il fut assez remis pour se lever, Aba fit venir au presbytère les parents des enfants. Il leur narra les événements de son point de vue et tâcha d’atténuer leurs souffrances par des mots de la Sainte Lettre.
    Augustodunensis fut surpris de le voir s’entretenir à part avec Esprit-Madeleine, la mère de Perrot ; lorsqu’il la raccompagna, il lui promit de retrouver et de ramener son enfant au village !
    Depuis l’attaque, Auguste et Ana se relayaient auprès du blessé. La vieille femme s’occupait des jours et le vicaire s’était installé un couchage dans la salle à vivre du presbytère afin de rester avec le prêtre la nuit.
    Au quatrième matin, il fut réveillé par de petits bruits : il trouva le père Aba debout longtemps avant l’aube, l’épée qui avait tué Maurin dans la main.
    Le vicaire ne le reconnut pas instantanément : était-ce son bandeau noir, ses cicatrices aux visages et au cou, les ombres portés de la faible lampe ? La figure « angélique » d’Aba avait perdu toute sa grâce et viré à quelque chose d’inquiétant.
    Le prêtre demanda d’une voix grave :
    — Hormis Beaujeu et Jaufré, qui de nos fidèles a quitté le village depuis l’enlèvement de Perrot ?
    Le vicaire se redressa et répondit :
    — Personne, mon père.
    — En es-tu certain ?
    — Je peux l’affirmer. Lors de l’enterrement du petit Maurin, l’ensemble de nos paroissiens était présent, excepté Ana qui vous veillait et Esprit-Madeleine, recluse chez elle. Lors du retour de Jaufré et de Beaujeu, tout le village s’est précipité pour les interroger. Personne ne manquait.
    Aba ne répondit pas. Il tenait toujours l’arme au poing.
    — Ne m’as-tu pas rapporté que quelques-uns s’étaient postés sur le plateau pour surveiller les alentours du village ?
    — Oui, mon père.
    — Oui ?
    — Eh bien… Martin, Orgas, Paulin et Denis le fils. Mais à cette heure on doit encore pouvoir les apercevoir d’ici. Ils n’ont pas quitté les environs !
    Le père Aba s’approcha d’Auguste. Ce dernier vit qu’il tenait un crucifix dans sa main gauche. Le prêtre le lui tendit :
    — Porte cela à Esprit-Madeleine.
    La croix était taillée dans un os de morse avec un Christ sculpté en cristal de roche.
    — Dis-lui de prier pour le retour sain et sauf de son petit Perrot.
    — Mais… ?
    — Va ! ordonna Aba.
    Malgré l’heure, Auguste renonça à questionner son maître ; il se vêtit et sortit.
    Dehors, le jour était encore loin. Comme chaque nuit, les villageois avaient allumé un grand feu sur la place centrale et des torches aux quatre coins de Cantimpré.
    Un éclat rouge et doré baignait la paroisse endormie.
    Le vicaire se porta dans la maison de Jerric le menuisier et de sa femme.
    Esprit-Madeleine ne dormait pas ; elle ne dormait plus depuis la disparition de son fils. C’était une femme très belle, blonde et les yeux bleus comme Perrot. Mais la pauvre avait le visage défait par les larmes et le manque de sommeil. Elle reçut des mains du vicaire le crucifix d’Aba sans rien répondre à la délicate attention du prêtre.
    « Nous

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