Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
Vom Netzwerk:
ouverture puis versa le contenu sur l’écritoire de Bénédict Gui.
    Une tête d’homme roula.
    C’était celle de Marteen, le Flamand, le visage marbré, les lèvres noires, le cou tranché d’un coup précis. Bénédict reconnaissait avec effroi les traits du personnage qu’il avait quitté quelques heures plus tôt.
    Bazan poursuivit, satisfait de son effet :
    — Tu es le dernier à avoir vu ce personnage vivant. Pour Marco degli Miro et la justice romaine, tu es donc le premier suspect. Et, sans difficulté, tu seras jugé coupable de ce crime odieux. Tes amis les Laveurs savent que j’ai le pouvoir de leur faire rejoindre la cohorte de cadavres immondes qu’ils pillent sur les bords du Tibre. Ils témoigneront contre toi de ton simulacre de la nuit dernière avec cet homme de Rasmussen. Et cette fois, le bras séculier s’abattra sans hésitation sur l’assassin Bénédict Gui.
    Bénédict n’en voulait pas aux Laveurs de leur trahison, il connaissait les moyens d’intimidation que pouvaient déployer Bazan et la chancellerie.
    Le secrétaire d’Artémidore de Broca regarda encore les rayonnages de la boutique de Gui et dit à ses hommes :
    — Emportez tout cela au Latran. Je veux détailler le moindre parchemin, le moindre indice d’enquête.
    À Bénédict :
    — Quant à toi, tu vas être remis aux prisons de Matteoli Flo, où l’on te questionnera.
    Des geôles immondes en bord de Tibre, voilà ce qu’étaient les cellules de Matteoli Flo, un bourreau de Sicile qui avait perfectionné son art au cours de voyages en Asie. Bénédict le connaissait car il expédiait ses corps en morceaux dans le fleuve par une bouche d’égout et les Laveurs les récupéraient pour les vendre à des anatomistes curieux pourchassés par l’Église.
    Les gardes lui lièrent les poignets.
    Il se rappela alors les avertissements de son ami Salvestro Conti sur les troubles du Latran. Qu’est-ce qui pouvait pousser Fauvel de Bazan à intervenir de la sorte, en personne ? Si la chancellerie était coupable du meurtre de Rasmussen, l’était-elle aussi de la disparition de Rainerio le même jour ?
    Marco degli Miro l’observait avec ce fond de tristesse amicale.
    Bénédict leva les yeux vers le secrétaire d’Artémidore de Broca et lui dit d’une voix calme :
    — Vous vous trompez. Le matin où Zapetta est entrée dans ma boutique, ce n’est pas moi qui ai perdu ma tranquillité, c’est vous…
    Fauvel de Bazan haussa les épaules et ordonna qu’on l’emmène.
    Dehors une foule s’était massée devant la boutique de Bénédict. Des enfants couraient de rue en rue et de porte en porte pour annoncer son arrestation. Les hommes et les femmes s’écartèrent pour laisser passer la troupe armée et le prisonnier.
    Il n’échappa à personne que Bénédict avait été violenté.
    Fauvel murmura au chef de la police :
    — Ouvrez l’œil.
    La populace escorta lentement le convoi. La foule croissait.
    Dans les rangs Bénédict reconnut de nombreux visages amis, des gens qu’il avait aidés, des vieilles qui le vénéraient, Matthieu le petit-neveu de Viola, Porticcio qui avait désespérément tenté de lui faire épouser ses filles, un ancien croisé avec lequel il discutait la doctrine des mahométans.
    De son côté, Fauvel de Bazan observait la foule dont les mines exprimaient la tristesse ou l’interrogation.
    Bénédict avançait entouré de soldats qui empêchaient les Romains d’approcher. Des hommes et des femmes se mirent à le remercier de loin, certains crièrent même depuis leur fenêtre pour lui exprimer leur gratitude. Des petits le saluaient, glissés entre les jambes de leurs parents.
    Fauvel n’aimait pas ces manifestations spontanées de soutien.
    Depuis la sortie de la boutique, la troupe n’avait franchi qu’une cinquantaine de mètres.
    C’est alors que le plateau d’une charrette qui négociait le virage de la première rue adjacente renversa son chargement de copeaux de bois devant le peloton. Il y eut sitôt un grand tapage, des cris et des mouvements hâtifs autour de l’accident. Marco degli Miro, qui s’inquiétait du nombre de Romains dans la rue, ordonna à ses quinze hommes de brandir leurs guisarmes. Sur ordre de Fauvel, certains d’entre eux accoururent à l’aide du charretier pour hâter le déblaiement des copeaux.
    Mais brusquement, d’une fenêtre située au dernier étage d’une antique maison, un long cordage fut projeté et tomba près de

Weitere Kostenlose Bücher