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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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meilleurs ouvriers afin de recueillir leurs avis sur l’épée. Tous furent ébahis par l’arme. L’un d’eux parla même de miracle. Mais aucun ne pouvait se prononcer sur sa provenance.
    — Dictez-moi votre prix, lança Souletin au père Aba, car il comptait conserver ce modèle pour l’étudier. Je peux vous l’échanger contre des pièces rares de ma fabrique que vous monnayerez cher à Toulouse !
    Mais le père Aba repoussa l’offre.
    — Elle doit encore me servir.
    Souletin insista, voulut lui servir à boire et à manger, l’invita chez lui, mais rien n’y fit.
    — Je suis seulement venu vous consulter pour connaître l’origine de cette arme, répliqua le père Aba.
    Souletin secoua la tête :
    — Je dispose ici des meilleures reproductions d’épées ayant servi aux guerres qui ont saigné les Albigeois. Je possède les exemplaires des lames découvertes en Orient depuis le recouvrement de la Terre sainte et je crois ne rien ignorer du produit des forges de Brindisi à Paris, de Paris à Aix-la-Chapelle et d’Aix-la-Chapelle à Cadix. Cette épée ne se trouve nulle part dans mes ouvrages. Si jamais vous la vendiez, je vous demande la préférence !
    — Je m’en souviendrai, maître Souletin. Merci.
    Et le père Aba quitta l’atelier.
    Il retourna, pensif, vers l’auberge.
    « L’Église ?…»
    Il regagna L’Image Notre-Dame en se disant qu’il comptait repartir sur-le-champ. Un hôte partageait désormais sa chambre. Il grommela en découvrant qu’il n’était pas seul, mais Aba le rassura sur son départ imminent. Il compta l’argent qui lui restait afin de changer la mule offerte à Narbonne par Jacopone Tagliaferro pour un meilleur cheval. Mais, alors qu’il rassemblait ses affaires, il perçut des vociférations à l’étage inférieur.
    Des hommes étaient entrés dans l’auberge et réclamaient le « borgne ».
    Il se figea.
    Des pas résonnèrent en rafale dans l’escalier. Aba regarda autour de lui d’un air traqué, jeta un œil par la porte et vit plusieurs hommes en armes escortés par l’aubergiste qui prenaient la direction de sa chambre.
    Sans mesurer ses chances, à la stupéfaction de son voisin, il bondit à travers la fenêtre dont le volet fermait mal ; il fit une terrible chute, manquant de s’embrocher sur la pique d’une palissade. La cheville douloureuse, il se redressa pour fuir et choisit une ruelle sombre, encombrée de détritus, qui partait au dos de l’auberge.
    Il entendit des cris donner l’alerte depuis la chambre ; son compagnon de chambre avait parlé.
    À l’angle de la maison, alors qu’il cherchait à se perdre dans la foule des rues, il fut repéré par deux gaillards qui, dès qu’ils l’aperçurent, appelèrent leurs compagnons à eux.
    En quelques instants, sans pouvoir s’élancer, le père Aba fut ceinturé par une bande de brigands, sales, puants et l’œil avili.
    Ils le traînèrent sur une placette qui se vida de ses occupants sitôt leur arrivée.
    — Eh bien, est-ce lui ? grommela l’un d’eux.
    Un jeune homme s’approcha. On s’écarta pour le laisser atteindre Aba. Le prêtre le reconnut aussitôt : il était l’un des trois ouvriers appelés par Souletin pour examiner son épée, celui-là qui avait parlé de miracle.
    L’homme approuva d’un rapide mouvement de tête.
    — C’est lui, affirma-t-il. Pas d’erreur possible.

C HAPITRE 0 9
    Perrot se trouvait seul sous une tente au milieu de la forêt avec Até et la troupe d’hommes en noir. Il faisait nuit. Les quelques sons qui lui parvenaient étaient ceux des chevaux qui dormaient debout et du crépitement du feu de camp.
    Soudain :
    — C’est par ici…
    — Il n’y a aucun danger…
    — Suivez-nous…
    Des hommes parlaient bas.
    — Ne faites pas de bruit…
    — Tout a été prévu…
    — Nous y sommes…
    Perrot se redressa : leurs voix s’étaient approchées !
    Il avait les jambes entravées de fers et ne pouvait pas s’enfuir.
    Un pan de sa tente s’entrouvrit. Un filet de lumière pénétra et une grosse main gantée de noir se tendit vers lui.
    — Approche !
    Effrayé, le garçon obéit.
    Il sortit la tête et se trouva nez à nez avec deux hommes en noir de la troupe d’Até qui accompagnaient un troisième homme couvert d’un grand manteau de velours et deux femmes dissimulées sous des capes fourrées d’hermine.
    — C’est lui ! s’exclama une femme.
    Les gardes lui demandèrent de continuer

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