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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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embouti par les coups de ses hommes.
    Mais soudain, le sommet de la tour s’embrasa !
    Un immense feu se mit à projeter sa lumière tout autour du donjon : c’était le signal de détresse redouté par Isarn.
    Au même moment, des flèches sifflèrent.
    C’était un piège.
    Le père Aba roula à terre pour éviter les premiers traits. Le pont-levis se referma ; deux masses libérées dans les airs le tractaient de tout leur poids.
    Les « traîtres » d’Hue de Montmorency avaient en réalité trahi Isarn le Boucher.
    Le prêtre manqua de se faire écraser par un cheval frappé de cinq flèches aux flancs et au poitrail. Il enjamba des corps, morts et blessés, pour se mettre à l’abri derrière une charrette.
    Les bandits s’écroulaient les uns après les autres. Des soldats vêtus de blanc surgirent de trois portes pratiquées dans les murailles. Leur tenue claire les protégeait des tirs des archers.
    Le père Aba engagea le fer avec deux soldats. Il tua le premier et trancha la main droite du second, le laissant se tordre de douleur sur les pavés.
    Il prit conscience des combats qui sévissaient dans le donjon au son des cris et des coups d’épée : Isarn et ses hommes gravissaient les étages.
    Aba sentit du sang lui brûler le visage, sans savoir à qui il appartenait. Il résolut d’arracher la tenue blanche du soldat qu’il avait tué et de s’en revêtir pour dévier l’attention des archers. Cependant, il fut attaqué et acheva son agresseur en lui passant l’épée de Cantimpré à travers le corps.
    Il repéra sur sa droite la chapelle d’où avait été carillonnée la prime. Il bondit et s’y glissa en butant de toutes ses forces contre la porte.
    Un frère augustin qui observait secrètement le massacre roula sous la brusque entrée du prêtre.
    La chapelle était éclairée par deux coupelles suspendues sur des trépieds. L’augustin, qui devait occuper la charge des sonneries au cours de la nuit, était pâle d’effroi.
    — Sanctuari ! cria-t-il d’une voix étranglée.
    Mais Aba referma le portail et saisit l’augustin par le col en lui plaquant sa lame sous le menton.
    — Y a-t-il des enfants dans ce château ? demanda-t-il.
    L’augustin fit non de la tête.
    — Je ne sais rien, murmura-t-il.
    — Où se trouve Até ?
    — Je ne sais pas, répondit l’augustin. Je ne connais personne de ce nom.
    Le père Aba devinait à son arrogance que l’homme voulait se taire.
    — Parle, ou je te tranche la gorge !
    L’augustin le toisa du regard :
    — Vous précipiterez mon entrée au paradis et vous vous condamnerez, mon fils…
    Aba entendit du bruit dans le fond de la chapelle. Il aperçut un autre augustin, plus jeune, pétrifié derrière un pilier de bois et qui le considérait avec terreur.
    Aba releva la tête de l’augustin et lui ouvrit la gorge. Le geste fut net ; le sang jaillit. Ensuite il bondit pour se saisir de l’autre religieux.
    — Réponds ou tu subiras la même fin !
    Le garçon paraissait faible et impressionnable, le père Aba était convaincu qu’il le ferait parler. Son temps était compté ; la troupe d’Isarn ne tarderait pas à être renversée par les gardes d’Hue de Montmorency.
    — Y a-t-il des enfants qui ont été conduits ici ? répéta-t-il d’un air menaçant.
    L’augustin devait avoir dans les dix-huit ans, il n’arrivait pas à ôter son regard du spectacle de son aîné en train de se vider sur le dallage de la chapelle.
    — Y a-t-il des enfants ? insista Aba, levant l’épée.
    L’augustin se recroquevilla comme pour éviter le coup et acquiesça du bout des lèvres.
    Aba sentit son cœur bondir.
    — Où ? Où ? Conduis-moi à eux !
    Il remit l’augustin sur pied. Celui-ci se munit fébrilement d’une coupelle de lumière.
    — Il faut sortir de la chapelle, marmonna-t-il.
    — Allons. Mais ne t’avise pas de me tromper.
    Dehors le donjon s’enflammait de plus belle.
    Isarn et trois de ses hommes avaient atteint le sommet. Une cuve d’huile nourrissait les flammes du signal d’alerte. Le chef des brigands, qui voyait ses troupes décimées, décida de la renverser pour répandre l’incendie et susciter la panique dans les rangs : ses trois hommes et lui se saisirent de madriers pour basculer la cuve. L’huile incandescente déborda et se répandit le long de la façade du donjon, enveloppant l’édifice de flammes, qui roulaient comme la gomme des cierges et pénétraient par les

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