Délivrez-nous du mal
je le sais !
Até haussa les épaules.
— Si tu le dis…
Elle s’amusa du petit air fâché que venait de prendre l’enfant.
— Je veux retourner chez mes parents, dit-il soudain. Je veux rentrer à Cantimpré !
— Cela ne dépend pas de moi, répondit Até redevenue grave.
— Que va-t-il m’arriver ? Quand pourrai-je revoir les miens ?
— Cela non plus, ce n’est pas à moi d’en décider. Je sais seulement que vous êtes attendus, la fille et toi. Je dois vous remettre à certaines personnes. Ensuite de grandes choses doivent arriver !
— Qui sont ces personnes ? demanda le garçon.
Il avait le visage fermé et le regard fixe.
Elle n’aimait pas le ton qu’il employait avec elle depuis peu.
— Qui ? insista-t-il.
Soudain Até poussa un cri et se redressa dans son bain. Elle passa la main sur son épaule droite où elle venait de ressentir une atroce brûlure.
Elle s’aperçut, effarée, que sa chemise était rouge de sang ; sa cicatrice s’était rouverte et saignait abondamment !
Elle jeta un regard terrifié vers Perrot.
Lui-même avait pâli.
Troublé par ce qu’il avait, dans un accès de colère, réussi à provoquer…
C HAPITRE 15
Juché sur un âne, le père Aba avançait le long d’un chemin de forêt avec, à sa droite, le brigand Isarn monté sur un cheval. Cela faisait de longues journées que le prêtre cheminait à travers le comté en compagnie des malfaiteurs de Toulouse.
Aujourd’hui, Aba et Isarn avaient devancé les troupes et s’étaient arrêtés à l’orée d’un bois, un quart de lieue en deçà du château fortifié de Mollecravel.
L’enceinte maçonnée était impressionnante, circulaire, dressée sur une motte d’une centaine de mètres de côté, entourée d’un fossé d’eaux bourbeuses. Le donjon principal s’élevait au cœur de l’enceinte, dominant les mâchicoulis ; il faisait quarante mètres de haut, bien appareillé, avec un éperon dans l’alignement du pont-levis, ce dernier défendu par deux tourelles en saillie.
— C’est ici que réside Hue de Montmorency, dit Isarn, cousin par sa mère de la famille anglaise des Montfort. Ce château lui a été cédé par l’Église, après avoir été confisqué à des rebelles cathares.
La forteresse était en pleine nature ; aucune maisonnée, aucun bâtiment fonctionnel ne lui était accolé sur l’extérieur. Elle était cernée de forêts.
— Cette place ne se rendra pas facilement, jugea Isarn. Le tablier du pont est levé. Il n’existe aucun autre moyen pour y pénétrer…
— Vous comptez vous attaquer au château ? demanda le père Aba incrédule.
Isarn et Althoras ne s’étaient pas encore ouverts de leur plan.
Isarn acquiesça.
— Tu as des raisons de douter, dit-il. Sans mangonneaux ou une artillerie sur tour, on n’obtiendra rien ici.
— Alors comment allez-vous vous y prendre ?
Isarn sourit :
— La seule façon : la trahison. Nous dissimulons trois hommes à nous chez Montmorency, comme dans tous les lieux sensibles de la région. Au moment choisi, ils nous ouvriront le pont et nous prendrons possession des lieux par surprise. Mais il faudra agir vite : dès qu’ils se verront attaqués, les occupants du château embraseront un grand feu au sommet du donjon, signal de détresse visible depuis quatre autres châteaux à la ronde. En peu de temps, nous verrons des renforts arriver.
Durant leur périple de Castelginaux jusqu’au château de Mollecravel, une centaine d’hommes en mal de pitance avaient rejoint les rangs de la bande pillarde. Clans de malfaiteurs, bandits isolés, gens de toutes conditions qui lui emboîtaient le pas. Isarn était désormais à la tête d’une petite armée.
Le chef de bande ordonna à ses troupes de se disperser dans les bois qui cernaient le château et de poster des guets près des routes.
Étonné par ce branle-bas guerrier et par la discipline de ces voyous, le père Aba rejoignit Althoras. Le vieil aveugle paraissait épuisé par le voyage. Il ne quittait jamais sa litière chauffée et ses grosses couvertures. Cette expédition en plein hiver était en train de le tuer. Aba ne put s’empêcher de songer à cette légende qui prétendait qu’Althoras était devenu immortel. La fatigue et la fièvre n’empêchèrent cependant pas le vieil homme d’écouter les informations que ses partisans dans la région de Mollecravel avaient à lui fournir au sujet du seigneur des lieux.
Aba
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