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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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n’en perdit pas un mot.
    Hue de Montmorency traînait une réputation abominable. L’homme était un soudard, violent, tempétueux ; il était notoire dans le pays qu’il avait étouffé ses deux premières femmes de ses propres mains.
    Le prêtre songea aussitôt à ce « Conomor » dont l’avaient entretenu les deux sœurs dominicaines des archives de Narbonne. Ce type de monstre qui commençait par répudier ses épouses puis finissait par s’en prendre à des enfants pour satisfaire ses pulsions.
    Mais un jour, Hue disparut. Le temps de trois saisons, on ne le revit plus au château. On disait qu’il avait été conduit en Italie, sur ordre exprès de l’Église. Le fait est que, lorsqu’il revint à Mollecravel, la brute d’hier avait été changée en agneau. L’homme était méconnaissable : pieux, doux, à l’écoute des humiliés, et pris de râles déchirants et de vomissures dès lors qu’on lui rappelait ses turpitudes du passé. Hue de Montmorency est devenu un objet de vénération dans la région, à l’image d’un grand repentant touché par la Grâce.
    On affirmait que depuis sa conversion, six ans auparavant, nombre de prélats venaient en visite au château. Ces murs qui avaient abrité les plus illustres garces du comté étaient à présent le lieu favori des évêques de passage.
    Les postes péagers de la région et les indicateurs des brigands avaient remis leurs informations : on ne connaissait pas d’équipée en noir dans les parages. Mais des hommes à cheval sortaient occasionnellement du château à la nuit tombée.
    D’enfants enlevés, nul n’avait entendu parler.
    En revanche, près de Mollecravel, la femme aux longs cheveux roux, tout le monde la connaissait. C’était une figure appréciée et respectée de la population ; lors de ses séjours réguliers, elle aidait les nécessiteux, secourait les malades, portait, au nom d’Hue de Montmorency, des dons à toutes les œuvres bienfaitrices du seigneuriage. Elle serait apparue à Mollecravel peu après la conversion du seigneur. Elle s’appelait Até de Brayac.
    La femme aux cheveux roux, la fausse pièce de Disard, Perrot qui était passé à Castelginaux, une autre enfant miraculeuse enlevée… pour la première fois Aba sentait qu’il approchait d’un moment important et qu’il remontait pour de bon la piste de son fils. Tout le conduisait ici.
    Hue de Montmorency ne se laissait jamais voir, hors les processions de Pâques et de la Toussaint. Son pont-levis ne s’abaissait que pour permettre des entrées et des sorties d’hommes et de marchandises. Beaucoup d’aménagements de défense avaient été entrepris dans les dernières années. Le seigneur, bien qu’il fût devenu une sorte de saint homme, semblait avoir peur de tout.
    — S’il détient ma fille prisonnière, gronda Isarn, il aura de bons motifs pour trembler.
    — Attaquer une place fortifiée, cela n’est pas trop aventureux ? demanda Aba.
    Althoras sourit :
    — Parmi les souteneurs, les tricheurs aux cartes et les tueurs à gage qui garnissent nos rangs, tu trouveras une trentaine de gaillards qui ont porté le fer en Orient pour la recouvrance de la Terre sainte. Il ne faut pas se fier à leur mine ; ils ont été d’éminents soldats, certains devinrent princes en ces pays lointains. Pourquoi finissent-ils aujourd’hui parmi nous ? C’est leur histoire. S’ils nous rejoignent, c’est aussi parce que nous ne posons jamais de questions à un homme qui a perdu la peur de mourir… En tout cas, ce donjon ne saurait les émouvoir.
    Le père Aba regardait les hautes murailles grises du château, imaginant ce qu’elles pouvaient cacher.
    Le lendemain, Isarn réussit à faire entrer un homme dans le château en compagnie de quelques habitants du village voisin qui allaient assister à une messe dans la chapelle du seigneur. Cet homme lui rapporta une estimation des forces d’Hue de Montmorency : une vingtaine de soldats, des archers et plusieurs appareils de défense répartis sur le chemin de ronde. Beaucoup de laïques constituaient la cour du seigneur. Y avait-il des évêques ? Oui. Deux. Ainsi qu’une confrérie de trois moines augustins. Avec les alliés d’Isarn dans le château, l’homme avait établi la marche à suivre pour lancer l’assaut à la tombée de la nuit.
    — Rien d’insurmontable, conclut Isarn satisfait.
    Le père Aba insista pour participer à l’offensive.
    Il avait récupéré

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