Dernier acte à Palmyre

s’adressant à une personne qu’ils me cachaient, parce qu’elle était agenouillée aux pieds du chameau. Espérant qu’il s’agissait de Musa qui venait nous retrouver, je me dirigeai de fort méchante humeur vers le premier rang, et tout le monde s’écarta pour me laisser passer.
    Une silhouette enveloppée d’une djellaba était en train de fouiller un sac de voyage. Puis cette créature se releva et se tourna vers moi. Ce n’était pas Musa.
    Le turban encadrait un visage étonnant aux paupières peintes. Des pendeloques de la taille de ma main carillonnaient joyeusement à ses oreilles. Les membres de notre escorte restaient bouche bée.
    D’abord, il s’agissait d’une femme. Et les femmes n’ont pas pour habitude de parcourir seules les pistes du désert. Et celle-ci allait partout où elle avait envie d’aller. Elle était beaucoup plus grande que la moyenne et incroyablement bien faite. Pas dans le modèle fluet. Elle avait dû choisir son propre chameau avec autant de compétence que de goût, avant de traverser la Syrie sans escorte. Si on avait osé l’attaquer, elle n’aurait pas hésité à se défendre. Son unique garde du corps se tortillait dans un sac pendu à son cou.
    En me voyant, elle laissa fuser un rire moqueur avant de brandir un petit pot de fer.
    — Falco ! Sombre crétin ! Je veux tout de suite voir ta copine malade – mais viens d’abord dire un gentil petit bonjour.
    — Salut, Jason, dis-je obligeamment.
    Le python de Thalia était enfin parvenu à sortir sa tête du sac, et il regardait autour de lui, en quête de quelqu’un d’aimable à terroriser.

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    Il y avait beaucoup d’hommes terrorisés dans ce groupe, et tous n’avaient pas peur du python.
    Thalia refourra Jason sans cérémonie dans son sac qu’elle attacha ensuite au cou du chameau. Lentement et en articulant bien, elle déclara : — Le premier qui pose la main sur ce chameau verra son sort réglé par le serpent.
    Ses paroles me paraissaient en contradiction avec ce qu’elle m’avait toujours raconté sur la charmante nature de Jason. Les hommes de Palmyre se le tinrent cependant pour dit.
    — C’est un magnifique animal, monté par un cavalier encore plus magnifique. Un cavalier que je ne m’attendais vraiment pas à rencontrer au milieu du désert. (Et pourtant, sa présence m’apparaissait déjà naturelle. De la part de Thalia, rien ne pouvait me surprendre. Et grâce à elle, j’étais même en train de reprendre espoir.) Mais par Jupiter, comment as-tu fait pour arriver jusqu’ici, Thalia ?
    — J’étais à ta recherche, mon chéri.
    Et pour une fois, j’étais prêt à l’écouter.
    — Mais comment m’as-tu retrouvé ?
    — Ton nom est gribouillé sur tous les murs de Damas. (Peut-être que dans dix ans, des hommes viendraient encore me demander au théâtre d’Hérode pour toucher la récompense.) Et le portier m’a appris que vous étiez en route pour Palmyre. J’ai trouvé que c’était une excuse idéale pour m’offrir un chameau. Il est splendide, hein ? J’espère en trouver un second aussi beau et les faire courir à Rome.
    — Quand as-tu appris à faire courir des chameaux ?
    — Quelqu’un qui peut danser avec un python peut s’entendre avec un chameau, Falco ! Mais dis-moi plutôt comment va cette pauvre fille. C’est bien une piqûre de scorpion ? Comme si la queue d’une créature aussi vicieuse que toi n’était pas suffisante !…
    — Qui t’a mise au courant pour Helena ?
    — J’ai rencontré ce type bizarre, ton prêtre à l’air sinistre.
    — Musa ?
    — Quand j’ai vu sa tête, j’ai eu l’impression de voir arriver la mort vers moi dans un nuage de poussière. Je lui ai demandé s’il t’avait vu, et il m’a tout raconté.
    Je lui jetai un regard perçant.
    — Tout ?
    — Pas mal de choses.
    — Et qu’as-tu fait de lui ensuite ?
    — Ce que je fais toujours d’eux.
    — Le pauvre garçon ! Il est un peu trop tendre pour toi, non ?
    — Ils sont tous trop tendres pour moi. Malheureusement. J’attends que tu me prouves de quoi tu es capable, Falco.
    Ignorant cette offre dangereuse à bien des points de vue, je parvins à lui extorquer quelques détails supplémentaires. Thalia avait fini par se dire que retrouver Sophrona était une mission que je ne pourrais mener à bien tout seul. Alors il lui avait pris l’envie de venir elle-même en Orient. Et puis la Syrie était un bon marché pour les animaux exotiques. Avant le