Dernier acte à Palmyre
fabuleux, au-delà de précipices qui m’auraient fait trembler si je les avais sondés des yeux.
J’essayais d’avancer le plus rapidement possible avec le moins de bruit possible. Même si l’homme en fuite ne savait pas qu’il était poursuivi, les meurtriers perdent rarement leur temps à contempler le paysage.
Je franchis une autre gorge coupée par des chutes d’eau, identique à celle que nous avions passée pour atteindre le sommet. Des volées de marches, des coudes à angle droit, d’étroits corridors me permirent de descendre jusqu’à un endroit où se dressait un lion sculpté. Agréablement patiné par le temps, il servait de fontaine. La conduite qui apportait l’eau la laissait jaillir par sa gueule. J’étais maintenant certain que le tueur avait emprunté ce chemin, car sous la tête du lion, la margelle de grès était mouillée : quelqu’un s’y était assis avec des vêtements humides pour se rafraîchir de quelques gorgées d’eau. Après m’être aspergé le front, je remerciai le lion pour son renseignement et repartis en toute hâte.
L’eau sortant de la gueule du lion formait ensuite un ruisselet qui s’écoulait dans une rigole creusée à hauteur d’homme dans la falaise ; elle me tint compagnie tout au long du chemin. Je dégringolai une série de marches en colimaçon plus vite que j’en avais l’intention, avant de me retrouver dans une admirable section de l’oued couronné par des lauriers-roses et des tulipes. L’extraordinaire quiétude qui s’en dégageait me donna presque envie d’abandonner ma poursuite. Mais le meurtre me révolte trop. Je me forçai donc à continuer. Le sentier déboucha soudain devant un temple gracieux décoré de deux colonnes et creusé dans la montagne comme une caverne. On accédait au portique par une série de larges marches entourées d’un petit jardin complètement desséché. J’aperçus alors deux prêtres nabatéens – l’un âgé, l’autre très jeune. J’eus l’impression qu’ils venaient juste de sortir du temple. Tous les deux gardaient le regard fixé vers le bas de la montagne.
En m’entendant arriver, ils se retournèrent de mon côté. D’abord en latin, par habitude, puis dans un grec hésitant, je demandai au plus âgé s’il n’avait pas vu passer quelqu’un ayant l’air très pressé. Il continua à me dévisager sans un mot. J’étais bien incapable de répéter ma question en arabe. Heureusement, le plus jeune s’adressa soudain à lui comme s’il traduisait mes paroles. Je me risquai alors à poursuivre, en expliquant succinctement que quelqu’un venait de mourir à la Haute Place, mais – hélas ! – pas de sa belle mort. Le plus jeune parut de nouveau traduire mes explications. Sans aucun résultat. Impatient, je me remis en route. Voyant cela, le prêtre âgé daigna enfin prononcer quelques phrases. Son jeune compagnon sortit du jardin et m’emboîta le pas. Il ne prononça pas une parole, mais j’acceptai sa compagnie. Jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule, je vis que l’autre prêtre avait fait demi-tour et s’éloignait vers la place sacrificielle, sans doute pour aller voir de quoi il retournait.
Mon nouvel allié avait la peau sombre d’un habitant du désert et un regard d’une grande intensité. Il portait une longue tunique blanche qui lui battait les chevilles, sans pour autant entraver sa marche car il avançait aussi vite que moi. Même s’il ne parlait pas, je sentais que nous étions animés par la même motivation, si bien que nous n’étions plus vraiment des étrangers l’un pour l’autre. Nous dévalâmes la colline à toute allure et ne tardâmes pas à arriver en vue du rempart encerclant la partie ouest de la ville ; c’est là que s’élevait la majeure partie des habitations.
Nous n’avions dépassé personne. Après avoir franchi la porte de la cité, nous fûmes entourés de toute une foule et incapables de repérer notre homme. D’autant que le soleil avait dû sécher ses vêtements tout comme les miens. Je ne voyais pas ce que j’aurais pu faire d’autre, mais comme le jeune homme qui m’accompagnait continuait de foncer droit devant lui, je le suivis machinalement.
Nous nous trouvions maintenant près des monuments publics. Poursuivant notre route, nous passâmes devant des édifices impressionnants, faits de blocs de grès taillés avec la plus grande précision, pour atteindre le quartier des artisans s’étendant de
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