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Dernier acte à Palmyre

Dernier acte à Palmyre

Titel: Dernier acte à Palmyre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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patience à rude épreuve. Avec un sourire forcé, je tentai de la rassurer :
    — Il ne va pas venir très loin avec nous. Ses montagnes vont vite lui manquer.
    Elle me regarda d’un air las.
    — Ne t’en fais pas pour moi. Je suis capable de tenir tête aux hommes dont je n’apprécie pas la compagnie !
     
    Avec toute la dignité dont nous étions capables, nous nous laissâmes conduire manu militari hors de la cité. Entre les rochers, des ombres nous regardaient partir. De temps à autre, un chameau crachait dans notre direction d’un air désobligeant.
    Il y eut un arrêt. Musa s’adressa à notre escorte armée sur un ton presque coléreux. Visiblement, ils n’avaient pas envie de l’attendre. Il ne s’en précipita pas moins dans une maison dont il ressortit avec un maigre bagage. Vraisemblablement équipé de sous-vêtements nabatéens et de cure-dents, il fit signe aux gardes qu’on pouvait continuer.
    La nuit était déjà tombée et nous nous dirigions à la lueur des torches. Leurs flammes blafardes et vacillantes paraissaient animer les sculptures ornant les tombes. Des sombres entrées mystérieuses, un danger semblait pouvoir surgir à tout instant. Nous traversions la ville à pied, et les Nabatéens s’étaient chargés de nos bagages, mais quand nous atteignîmes la gorge étroite qui permettait de franchir la montagne, il apparut clairement que nous allions continuer seuls. Enfin, presque. Musa n’avait pas l’intention de nous lâcher d’une semelle. Pour atteindre le monde extérieur, je dus transbahuter seul nos possessions, tandis qu’Helena nous ouvrait le chemin en brandissant une torche. En la voyant avancer en tête l’air maussade, on ne pouvait s’empêcher de penser à une sibylle nous conduisant chez Hadès.
    — Heureusement que je n’avais pas dépensé mon héritage en balles de soie et en jarres d’encens ! déclara-t-elle avec dérision.
    Je savais qu’elle m’avait accompagné avec l’intention de se procurer de nombreux produits de luxe. Et si sa mère était aussi efficace que la mienne, elle devait avoir une liste de trois pages.
    — Je te promets de t’offrir une paire de boucles d’oreilles indiennes, dis-je en m’adressant à son dos princier.
    — Oh ! c’est trop gentil ! Voilà qui va atténuer ma déception…
    Helena savait que les perles ne se matérialiseraient sans doute jamais.
    Maintenant, les falaises se rejoignaient presque au-dessus de nos têtes, et nous continuions d’avancer dans l’obscurité en trébuchant souvent. Les pierres qui roulaient parfois sous nos pas étaient seules à troubler le silence.
    Je commençais à ressentir un certain découragement. J’aime accomplir le plus rapidement possible les missions au nom de l’empereur. Mais une seule journée passée à Pétra, c’était un peu juste pour éclairer Vespasien sur les nombreux points qui l’intéressaient : topographie, fortifications, économie, acquis sociaux, stabilité politique, état mental de la populace. Tout ce que j’avais pu apprendre, ou à peu près, c’était le prix des radis vendus au marché. À première vue, ce n’était pas une information susceptible d’aider un conseil de guerre à décider s’il fallait envahir ou non le pays.
    En outre, sans renseignements valables en ma possession, mes chances de me faire payer par le palais étaient minces, pour ne pas dire inexistantes. Sans compter que si Anacrites m’avait expédié ici pour y accomplir un ultime voyage, il n’avait pas dû prévoir un gros budget. Aucun comptable impérial ne devait plus s’attendre à être gratifié de mon joyeux sourire. Une fois de plus j’étais au bord de la faillite.
    Helena, qui se concentrait sur le maniement de sa torche, paraissait peu encline à commenter notre situation présente. Elle avait de l’argent. Si je le lui permettais, elle n’hésiterait pas à payer notre voyage de retour. Et je le lui permettrais vraisemblablement afin qu’elle puisse bénéficier d’un minimum de confort. Ravaler ainsi ma fierté me mettrait cependant de fort méchante humeur. Comme elle ne l’ignorait pas, elle se garda bien de demander quels étaient mes projets. D’autant plus que l’expérience lui avait appris que je n’en avais probablement aucun. C’était en effet le cas.
     
    Cette aventure déplaisante ne constituait pas le pire désastre de notre vie commune, ni mon plus cuisant échec. Mais elle me mettait dans une colère dangereuse.

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