Des rêves plein la tête
allait crier que
Connor ou Lach venait de marquer ou lorsque Bouchard était en train de se
battre avec un adversaire... Lorsque la mère de famille et ses enfants
descendirent du tramway au coin de la rue Fullum, la neige avait cessé, mais il
faisait beaucoup plus froid qu'au début de la matinée. Gilles, endormi dans ses
bras, ne lui
avait jamais semblé aussi pesant que durant le trajet à pied entre la rue
Sainte-Catherine et la rue Emmett. Elle marcha en silence, avec Jean-Louis et
Denise à sa suite, pressée de se débarrasser enfin de ce lourd fardeau.
— Ouvrez-moi la
porte, dit-elle à ses deux aînés en arrivant devant la maison.
Avant même de
retirer ses bottes, elle alla déposer le petit bonhomme sur son lit, tout
habillé. Gérard apparut dans l'entrée du couloir.
— T'arrives ben
tard, lui fit-il remarquer lorsqu'elle revint dans le couloir pour enlever son
manteau et ses bottes.
— Les p'tits
chars étaient pleins. Là, je suis morte et complètement gelée. Comment ont été
les deux petits ?
— Pas trop pires.
— Ah ! C'est beau
! s'exclama soudain Denise qui venait de pénétrer dans la cuisine.
— Qu'est-ce qui
se passe ? lui demanda sa mère, intriguée par son exclamation.
— Viens voir,
l'invita son mari.
Suivie par un
Jean-Louis maussade, Laurette s'avança jusqu'à la cuisine. Gérard avait profité
de son absence pour dresser un gros arbre de Noël dans un coin de la pièce. Il
avait même eu le temps de le décorer au complet.
— Attends, dit-il
à Laurette, demeurée interdite sur le seuil de la pièce. Tu vas voir.
Il alluma les
lumières multicolores dans l'arbre.
— Puis !
Qu'est-ce que t'en penses ?
— Il est ben
beau, reconnut Laurette sans grand enthousiasme, mais il va être dans le chemin
en pas pour rire. Pourquoi tu l'as fait là ?
— Où est-ce que
tu voulais que je le fasse ? On n'a plus de salon. Je pouvais tout de même pas
le monter dans notre chambre ou dans une de celles des enfants.
— Ouais. As-tu
pensé à tout le trouble que je vais avoir à empêcher Richard et même Gilles de
toucher aux boules et aux lumières ? Ils vont toujours être rendus là. A part
ça, comment je vais étendre mon linge dans la cuisine le lundi quand je fais
mon lavage ?
— Cybole !
T'auras juste à étendre une corde de moins dans la cuisine. Tu peux la changer
de place et l'installer dans le corridor, lui suggéra Gérard, mécontent de voir
que sa surprise ne suscitait pas l'effet escompté.
— Il est ben beau
pareil, répéta Laurette, se rendant compte qu'elle avait contrarié son mari. Je
suppose que je vais m'habituer à le voir là.
Quelques jours
plus tard, Laurette dut se rendre à l'école Sainte-Catherine afin de rencontrer
la religieuse qui faisait la classe à Denise. C'était la première des deux
visites annuelles qu'on demandait aux parents.
La veille, elle
s'était présentée à l'école Champlain pour prendre connaissance des résultats
scolaires de son Jean-Louis. L'enseignante s'était dite enchantée du
comportement de son fils, mais avait formulé des réserves sur la qualité de son
travail scolaire. Le ton avait rapidement monté entre la mère de famille et
l’institutrice, la première ayant juré ses grands dieux que l'enfant faisait
vraiment tout son possible pour réussir et qu'on ne pouvait lui en demander
plus.
— C'est une
maudite air bête, avait déclaré Laurette à son mari en rentrant à la maison. Je
comprends que le petit en ait peur.
— Arrête donc
d'être toujours du bord de ton gars, taboire! s'était contenté de dire Gérard,
réprobateur. Elle doit tout de même savoir ce qu'elle dit, cette femme-là.
— Laisse faire.
Je connais mon petit. Je sais comment il travaille fort à la maison.
— Ben oui, c'est
ça, avait répliqué son mari, sarcastique. Tout le monde a tort et ton
Jean-Louis est tout seul à avoir raison.
Lorsqu'elle se
trouvait dans l'école Sainte-Catherine, Laurette éprouvait toujours une drôle
d'impression. Elle se sentait redevenir la petite fille qui avait fréquenté
l'institution durant sept années. Elle était intimidée en foulant les longs
couloirs au parquet en bois pour aller prendre place, debout, près de la porte
de la classe de sa fille. Pour cette première visite de l'année, elle se
demandait si sœur Marie de la Rédemption se souviendrait de l'avoir eue
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