Des rêves plein la tête
disputé
quelques parties pour occuper cette soirée maussade d'octobre.
— Il y a pas de
presse d'aller vous chercher de l'ouvrage demain matin, leur dit leur père en
commençant à déboutonner sa grosse chemise en flanelle. Prenez une couple de
jours pour souffler un peu.
— Oui, approuva
leur mère en remontant, comme chaque soir, l'horloge installée sur une
tablette, près de la glacière. Demain, pendant qu'on va faire le lavage, vous
pourriez commencer à ôter les jalousies et à installer les châssis doubles. Ça
commence à être pas mal frais, le matin.
— Vous êtes
chanceux, leur fit remarquer Laurette, qui venait d'éteindre les deux lampes du
salon. J'ai cordé le bois dans le hangar. Vous aurez pas à le faire.
Sur ces mots,
chacun regagna sa chambre et le silence tomba sur l'appartement, à peine
troublé par les pas des Bourdages, un couple de personnes âgées qui vivait à
l'étage.
Le lendemain
matin, il faisait encore noir quand Honoré et Annette se levèrent dans
l'appartement froid et humide.
— Je vais faire
une attisée, annonça le père de famille en soulevant un rond du poêle l'Islet à
deux ponts qui trônait dans la cuisine.
L'homme froissa
une feuille de journal qu'il jeta dans le poêle en même temps que des copeaux
de bois avant de frotter une allumette. Aussitôt, des flammes claires
s'élevèrent. Il s'empressa ensuite d'ajouter deux rondins qui, une fois
enflammés, firent ronfler l'appareil. Sa femme déposa une bouilloire d'eau sur
le poêle pendant que son mari endossait un manteau pour aller nourrir et
abreuver Prince dans l'écurie, comme il le faisait tous les jours avant le
déjeuner.
A son retour,
l'eau était chaude. Il en prit un peu pour se raser. Après sa toilette, il
s'assit à table pour manger les crêpes que sa femme venait de faire cuire dans
sa poêle de fonte.
— Entre-moi donc
le boiler et la cuvette, demanda-t-elle à son mari au moment où il s'apprêtait à
quitter la pièce. Il mouille pas. On va faire le lavage à matin.
Après avoir
déposé sur le balcon les deux cuves, le livreur de glace attela son cheval et
sortit sous le passage
voûté conduisant
à la porte cochère. Le bruit réveilla Laurette qui vint rejoindre sa mère dans
la cuisine.
— On va laisser
dormir un peu les garçons, lui dit Annette. Mange pendant que je vais aller
m'habiller et faire mon lit.
Le jour s'était
levé. De lourds nuages couraient dans le ciel et il faisait froid. La mère et
la fille avaient tiré dans la cuisine la lourde machine à laver entreposée
durant la belle saison à l'extrémité du balcon. L'appareil, constitué d'une
cuve en bois et d'un agitateur actionné manuellement par un bras extérieur,
contenait tous les vêtements sales de la semaine. Pendant que la cuve remplie
d'eau chauffait sur le poêle, les deux femmes séparèrent les tissus blancs des
autres et déposèrent dans la cuvette un carré de bleu à laver.
Lorsque l'eau fut
chaude, elles unirent leurs forces pour soulever la cuve et la vider en partie
dans la laveuse, conservant le reste pour le rinçage.
— Pendant que
vous lavez le blanc, m'man, dit Laurette, je vais frotter le linge trop sale.
Ce disant, la
jeune fille alla chercher la planche à laver qu'elle installa dans la cuve
posée sur un banc et, avec un pain de savon Barsalou, se mit à frotter
énergiquement les vêtements tachés après les avoir mouillés et enduits de
savon.
Armand et Bernard
émergèrent de leur chambre à coucher au moment où leur mère s'apprêtait à aller
étendre sa première cordée de vêtements fraîchement lavés. Ils firent griller
sur le poêle des rôties qu'ils dévorèrent après les avoir tartinées de
confiture de fraise.
— Bon. Ça va
faire, les paresseux, leur dit leur mère en rentrant dans la cuisine pour
poursuivre son travail. Vous allez enlever les jalousies du salon et de ma
chambre pour commencer, et installer les châssis doubles. Sortez d'abord
les châssis
doubles. Laurette va laver les vitres avant que vous les installiez. Je vais
finir le lavage toute seule.
— On est capables
de les laver, si vous voulez, offrit Bernard en quittant la table.
— Laisse faire,
intervint sa sœur. J'ai pas l'intention d'être poignée avec des vitres
beurrassées pendant tout l'hiver.
— Laurette va
vous donner les guenilles qu'on a taillées la semaine passée. Vous vous
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