Des rêves plein la tête
il devint
évident que les visiteurs le fatiguaient, Laurette et Gérard décidèrent de le
quitter en promettant
de revenir le
voir. Bernard, Marie-Ange et Annette les suivirent dans le couloir quelques
instants plus tard.
— C'est ben
effrayant comme il a l'air d'avoir de la misère à respirer, murmura Laurette à
son jeune frère.
— Ça va se
replacer, la rassura Bernard avant d'aller rejoindre Gérard qui se dirigeait
déjà vers l'ascenseur. Ils allèrent tous attendre le tramway au coin de la rue
Amherst. Laurette était si préoccupée par la maladie de son père qu'elle
remarqua à peine la petite pluie froide qui s'était mise à tomber depuis
quelques minutes.
— Ça va faire
fondre la neige encore plus vite, dit Gérard à son beau-frère en ne cachant pas
sa satisfaction.
— Ouais. Il est
temps qu'elle disparaisse, rétorqua Bernard. Je trouve qu'on l'a assez vue.
— Vous êtes sûre,
m'man, que vous voulez pas venir coucher à la maison? offrit Laurette à sa
mère. Gérard pourrait coucher avec Jean-Louis et vous coucheriez avec moi.
— T'es ben fine,
ma fille, mais j'aime mieux rentrer à la maison. J'ai mon ouvrage à faire et,
de toute façon, je pourrai pas retourner à l'hôpital avant demain après-midi.
Les Morin
descendirent du tramway au coin de la rue Fullum et rentrèrent chez eux. À leur
retour, ils trouvèrent la maison silencieuse. Denise les attendait, sagement
assise dans la cuisine.
— T'as pas eu
trop de misère à te faire écouter ? lui demanda sa mère en enlevant son
manteau.
— Non. ils sont
allés se coucher à huit heures, comme vous l'aviez demandé.
Alors que Denise
entrait dans sa chambre pour se mettre 3u lit, les portes des chambres des
garçons s'entrouvrirent presque simultanément.
— Est-ce que
pépère est encore malade ? demanda Richard qui, comme ses deux frères, avait
attendu leur retour.
Personne ne
dormait. Laurette n'eut cependant pas le cœur de disputer ses enfants.
— Oui, il est
encore à l'hôpital, murmura-t-elle. Maintenant, allez vous coucher et faites
une prière pour lui avant de vous endormir.
Avant de se
mettre au lit à son tour, Laurette fit part à son mari de son intention d'aller
rendre visite à son père le lendemain après-midi.
— Qu'est-ce que
tu vas faire pour les enfants ?
— Je vais faire
manquer l'école à Denise demain après-midi pour garder Carole. Comme ça, m'man
sera pas toute seule à aller le voir.
À sa seconde
visite à l'hôpital Notre-Dame, Laurette trouva son père beaucoup mieux. Il
semblait respirer avec plus de facilité et ses traits étaient plus détendus. Il
trouva même la force de plaisanter en disant que la religieuse qui s'occupait
de lui avait dû être dans l'armée à un certain moment tellement elle passait
son temps à lui donner des ordres.
— On dirait
presque ta mère, ajouta-t-il en souriant.
— Mon espèce de
vieux effronté ! dit Annette, qui joua l'offusquée.
Lorsqu'elle
revint chez elle, la mère de famille était rassurée. De toute évidence, son
père était en voie de guérison et la vie allait bientôt reprendre son cours
régulier.
La journée du
lendemain fut sans histoire. Le froid avait refait son apparition durant la
nuit. Après le déjeuner, les enfants quittèrent la maison pour leur dernière
journée
de classe de la
semaine. De sa fenêtre, Laurette les avait aperçus en train de briser avec
entrain à grands coups de talon la glace mince qui s'était formée sur les
rigoles, le long des trottoirs. Elle s'était précipitée vers la porte qu'elle
avait ouverte pour leur crier :
— Arrêtez de
faire ça, bande de sans-dessein! Vous allez défoncer vos bottes neuves.
Allez-vous-en à l'école !
Comme chaque
vendredi, la journée avait été consacrée au ménage de la semaine. \
— Dans deux
semaines au plus tard, on va faire le grand ménage et ça va faire du bien, dit
Laurette à mi-voix en regardant les murs jaunis autant par la fumée de
cigarette que par l'utilisation du chauffage.
Au milieu de
l'après-midi, elle entreprit de cirer méticuleusement le linoléum du couloir et
de la cuisine. Un coup de sonnette l'interrompit.
— Il y a jamais
moyen d'avoir la sainte paix dans cette maison, se plaignit-elle en se
relevant.
Elle alla ouvrir
et se retrouva devant son frère Armand. Son visage était étrangement
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