Des rêves plein la tête
l'église. Les gens se glissèrent silencieusement dans le
temple pendant que la famille et les proches emboîtaient le pas aux six
porteurs chargés de la dépouille.
Le curé
Perreault, qui avait succédé à Anselme Crevier deux ans auparavant, apparut à
la porte de l'église, vêtu d'une chape noire et coiffé d'une barrette. Le
prêtre accueillit la famille. Puis, précédé d'un enfant de chœur
porteur de la
croix, il suivit le cercueil jusqu'à l'avant. Annette et ses enfants prirent
place dans le premier banc. Laurette se plaça à la droite de sa mère et la
supporta tout au long de la cérémonie.
Lorsque
l'officiant bénit une dernière fois la dépouille d'Honoré Brûlé, toute
l'assistance se prépara à sortir de l'église. On n'entendit que des murmures.
Laurette quitta un bref moment sa mère pour s'approcher de Denise.
— Tu t'en
retournes à la maison avec tes frères et ta sœur. J'ai préparé des sandwiches
pour le dîner. Fais-les manger. On s'en va au cimetière. On va revenir vers
midi.
Sur ce, elle alla
rejoindre Gérard, monté dans une voiture près d'un cousin de son père. Il n'y
eut qu'un maigre cortège de quatre automobiles pour suivre le corbillard
jusqu'au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, dans le quartier Côte-des-Neiges.
Comme le sol n'était pas encore suffisamment dégelé, la dépouille mortelle fut
placée dans un charnier après une brève cérémonie.
Au retour, les
Morin montèrent dans la voiture d'un ami d'Armand. Laurette, dévastée, ne cessa
de pleurer durant tout le trajet.
— Tu t'en reviens
à la maison ? lui demanda doucement Gérard.
— Non. Il faut
que j'aille donner un coup de main pour remettre un peu d'ordre chez m'man,
réussit-elle à dire. Tout est à l'envers dans la maison.
— Est-ce que t'as
besoin de moi ?
— Non. Pauline et
Marie-Ange sont supposées venir me donner un coup de main.
— Si c'est comme
ça, je vais aller m'occuper des enfants.
— Je devrais être
revenue pour le souper, précisa Laurette au moment où le conducteur
immobilisait son véhicule coin Fullum et Sainte-Catherine.
Laurette, Pauline
et Armand durent attendre quelques minutes devant la porte de l'appartement des
Brûlé avant qu'Annette n'arrive en compagnie de Bernard et de Marie-Ange.
— Allez vous
reposer un peu dans votre chambre pendant qu'on remet de l'ordre dans la
maison, m'man, lui conseilla Laurette en déposant une bouilloire sur le poêle à
bois que Bernard venait d'allumer.
— Non, j'ai pas
envie de dormir, déclara Annette sur un ton ferme.
— Si c'est comme
ça, on pourrait peut-être parler des arrangements qu'il va falloir prendre à
cette heure que p'pa est parti, proposa Armand en s'assoyant à table.
— Quels
arrangements? lui demanda sa mère, surprise.
— Ben, il y a le
cheval et la voiture de p'pa. Vous voudrez pas les garder pour rien^ non ?
— Ça, si tu veux
t'en occuper, c'est ben correct, fit Annette. Tu pourrais aller voir à la
glacière de la rue Joachim s'il y a pas quelqu'un intéressé à acheter Coco et
la voiture.
— Je m'en
occuperai demain, promit Armand.
— Il y a aussi
tous les comptes que vous allez avoir à payer, fit remarquer Bernard. Il y a,
par exemple, l'hôpital, l'entrepreneur de pompes funèbres, le service à
l'église et le lot au cimetière.
— Je suis capable
de me débrouiller avec l'argent que ton père m'a laissé, affirma Annette.
Inquiétez-vous pas pour ça. Oubliez pas que j'ai toujours payé les comptes de la
maison. On n'était pas riches, mais je suis capable de me débrouiller avec ce
qu'on a ramassé.
Laurette n'avait
pas encore ouvert la bouche. Appuyée contre le comptoir, elle regardait sa
mère, dont le visage pâle et les cernes disaient assez l'épuisement. Elle ne
pouvait
s'empêcher de ressentir une immense admiration pour cette femme énergique qui
savait déjà surmonter sa douleur pour réapprendre à vivre sans son vieux
compagnon. Son regard erra ensuite dans la pièce, comme si elle la voyait pour
la dernière fois. Il lui semblait bizarre de songer que son père ne
s'installerait plus jamais dans sa vieille chaise berçante, placée près de la
fenêtre de la cuisine.
— Qu'est-ce que
vous allez faire de l'appartement? finit-elle par demander à sa mère qui tourna
la tête dans sa direction.
— C'est sûr que
vous avez pas besoin d'un grand cinq et
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