Des rêves plein la tête
se
nettoyer.
— C'est correct,
j'ai compris, cybole de tête dure ! s'écria son mari en se levant, prêt à
partir pour le travail.
— En attendant
que tu reviennes de l'ouvrage, je vais faire mes armoires, ajouta-t-elle sur un
ton adouci.
Au milieu de la
matinée, Laurette dut abandonner son chiffon pour répondre au livreur qui vint
déposer un nouveau bloc de glace dans sa glacière. L'apparition de l'homme à la
vieille casquette en cuir lui fit soudainement réaliser, encore une fois, la
perte définitive de son père. Huit jours plus tôt, Gédéon Masson avait accepté
de servir temporairement une partie de la clientèle d'Honoré Brûlé, le temps
qu'il guérisse de sa pneumonie...
Maintenant,
c'était fini. Elle ne verrait plus son père lui apporter sa glace trois fois
par semaine. Un étranger allait s'en charger. Le cœur gros et les larmes aux
yeux, elle tira dix cents de sa bourse et les tendit au livreur.
Quatre jours
suffirent aux Morin pour que tout reluise dans la maison. Les tuyaux du poêle
et de la fournaise furent enlevés et nettoyés dans la cour et on rangea les
contre-fenêtres dans le hangar.
— Il fait
tellement doux, dit Laurette avec bonne humeur, à la vue des persiennes et de
la porte moustiquaire de la cuisine lavées et installées, qu'on peut laisser
les fenêtres ouvertes. Puis regarde comme ça fait du bien, fit-elle remarquer à
Gérard occupé à laver le plafond de la cuisine. Tout est redevenu ben blanc et
ça sent bon l'eau de Javel.
Pendant qu'elle
lavait les murs, Jean-Louis, Gilles, Denise et Richard avaient pour tâche de
ranger leurs tiroirs de bureau et la garde-robe de leur chambre. Le nettoyage
du balcon et de la cour arrière avait suivi.
Le dernier jour
du grand ménage, habituellement un samedi, demeurait toujours celui que les
jeunes redoutaient le plus parce qu'il exigeait de leur part un effort physique
soutenu.
Cette année-là ne
fit pas exception. Le dernier matin du ménage, Laurette se dépêcha de remettre
de l'ordre dans toutes les pièces avant de se lancer dans le lavage, à genoux,
de tous les parquets de la maison après que Denise les eut soigneusement
balayés. Quand les vieux linoléums aux dessins à demi effacés furent secs, elle
remit un peu de pâte à cirer à chacun de ses enfants et ils durent cirer le
parquet de leur chambre pendant qu'elle se chargeait de celui du couloir et de
la cuisine. Lorsque la cire eut bien durci et pris une apparence opaque, elle
leur confia alors un bout de lainage et ils durent frotter énergiquement les
parquets pour les faire reluire. Cette dernière tâche terminée, la mère de
famille vérifia soigneusement le travail en manifestant ouvertement son
contentement de voir son intérieur briller de propreté.
— À cette heure
que c'est propre, il nous reste juste à entretenir la maison, annonça-t-elle
aux siens avec un large sourire.
Gérard et les
enfants purent enfin souffler et retourner à des occupations plus plaisantes.
Les premiers
jours de mai furent gâchés par une pluie printanière persistante. Il faisait
déjà chaud, mais les enfants ne pouvaient guère aller s'amuser à l'extérieur
après avoir effectué devoirs et leçons.
— On peut même
pas jouer dehors, mais on va pareil à l'église, se plaignit Richard.
— Aller dire le
chapelet te tuera pas, rétorqua sévèrement sa mère. Tu devrais avoir honte de
parler comme ça. Ça fait même pas un an que t'as fait ta première communion.
Elle attira son
fils à elle avec brusquerie et entreprit de discipliner sa tignasse rebelle
avec un peigne et beaucoup d'eau.
— J'ai jamais vu
une tête comme ça, dit-elle à son mari. Il faudrait de la colle pour lui
coucher les cheveux.
— Tu ferais
peut-être mieux de les lui laisser allonger, suggéra Gérard. Peut-être que ça
les replacerait.
— Laisse faire.
Je trouve que ça coûte déjà assez cher comme ça chez le barbier. Il est rendu à
vingt cennes. Quand je les envoie se faire couper les cheveux, je veux que ça
paraisse, bonyeu! Bon, arrivez, ajouta-t-elle à l'intention de ses enfants. Il
est moins quart. On va finir par être en retard. Denise, prends le parapluie de
ton père et marche en avant avec Richard et Gilles. Jean-Louis va marcher avec
moi.
Laurette mit son
chapeau et s'empara de son parapluie avant de pousser ses enfants devant elle.
— Couche pas la
petite plus tard
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