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Des souris et des hommes

Des souris et des hommes

Titel: Des souris et des hommes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John Steinbeck
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s'approcha de l'eau et se lava
les mains.
    — Bougre d'idiot. Tu pensais que j’verrais
pas qu't'avais les pieds mouillés, là où que t'as traversé la rivière pour
aller la chercher ?
    Il entendit Lennie pleurnicher et il se
retourna vivement.
    — V’là que tu brailles comme un
bébé ! Nom de Dieu ! Un grand gars comme toi !
    La lèvre de Lennie tremblotait, et il
avait les yeux pleins de larmes.
    — Oh ! Lennie !
    George posa la main sur l'épaule de
Lennie.
    — Je l'ai pas prise pour être
méchant. Cette souris est pas fraîche, Lennie, et en plus, tu l’as toute abîmée
à force de la caresser. T’as qu'à trouver une autre souris, une fraîche, et j’te
permettrai de la garder un petit peu.
    Lennie s'assit par terre et baissa la tête
tristement.
    — J’sais pas où il y en a, des
souris. J’me rappelle une dame qui m'en donnait... toutes celles qu'elle
attrapait. Mais cette dame n'est pas là.
    George se moqua.
    — Une dame, hein ? Tu te
rappelles même pas qui c'était, cette dame. C'était ta propre tante Clara. Et
elle a cessé de te les donner. Tu les tuais toujours.
    Lennie le regarda tristement.
    — Elles étaient si petites, dit-il
pour s'excuser. J’les caressais, et puis bientôt, elles me mordaient les doigts,
alors, je leur pressais un peu la tête, et puis elles étaient mortes... parce
qu'elles étaient si petites. George, j’voudrais bien qu'on les ait bientôt, les
lapins. Ils n' sont pas si petits.
    — Fous-moi la paix avec tes lapins.
On n' peut même pas te confier des souris vivantes. Ta tante Clara t'a
donné une souris en caoutchouc, mais t’en as jamais fait de cas.
    — Elle était pas agréable à caresser,
dit Lennie.
    Les feux du crépuscule s'élevaient
au-dessus du sommet des montagnes, et l'obscurité tombait dans la vallée. Sous
les saules et les sycomores, les ténèbres étaient presque complètes. Une grosse
carpe monta à la surface de l'eau, prit une gorgée d'air, puis se renfonça
mystérieusement dans l'eau noire, laissant des cercles s'élargir sur l'eau. Au-dessus
d'eux, les feuilles recommencèrent à frémir, et des houppettes de graines de
saules s'envolèrent et allèrent se poser à la surface de l'eau.
    — Et ce bois, tu vas aller le
chercher ? demanda George. Y en a toute une pile derrière ce sycomore. Des
débris d'inondation. Va le chercher.
    Lennie passa derrière l'arbre et rapporta
une brassée de rameaux et de feuilles mortes. Il les jeta en tas sur le monceau
de vieilles cendres et il retourna en chercher davantage. La nuit était presque
venue. Des ailes de tourterelle sifflèrent au-dessus de l'eau. George
s'approcha du tas de bois et alluma les feuilles sèches. La flamme crépita
parmi les brindilles et s'étendit. George défît son ballot et en sortit trois
boîtes de haricots en conserve. Il les mit debout autour du feu, tout près de
la braise, mais sans toutefois, qu'elles touchassent la flamme.
    — Y a des haricots pour quatre hommes
là-dedans, dit George.
    De l'autre côté du feu, Lennie
l'observait. Il dit patiemment.
    — Moi j’les aime avec du coulis de
tomates.
    — Eh bien, on n'en a pas, dit George
avec colère. T’as toujours envie de ce qu'on n'a pas. Bon Dieu, si j'étais
seul, ce que la vie serait facile ! J’pourrais me trouver un emploi et
travailler. J'aurais pas d'embêtements. Pas la moindre difficulté, et, à la fin
du mois, j’pourrais prendre mes cinquante dollars, et m'en aller faire ce que
je voudrais en ville. Même, que j’pourrais passer toute la nuit au claque. J’pourrais
manger où je voudrais, à l'hôtel ou ailleurs, et commander tout ce qui me
viendrait à l'idée. Et je pourrais faire ça tous les mois. M'acheter un gallon
de whiskey, ou ben aller dans un café jouer aux cartes ou faire un billard.
    Lennie s'agenouilla et, par-dessus le feu,
observa la colère de George. Et la terreur lui crispait le visage.
    — Et qu'est-ce que j'ai ?
continua George furieusement. J'ai toi ! Tu n' peux pas garder un
métier, et tu me fais perdre toutes les places que je trouve. Tu passes ton
temps à me faire balader d'un bout du pays à l'autre. Et c'est pas encore ça le
pire. Tu t'attires des histoires. Tu fais des conneries, et puis il faut que je
te tire d'affaire.
    Sa voix s'élevait, était presque un cri.
    — Bougre de loufoque ! Avec toi,
j’sors pas du pétrin.
    Il se mit alors à parler comme font les
petites filles quand elles s'imitent les unes les

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