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Des souris et des hommes

Des souris et des hommes

Titel: Des souris et des hommes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John Steinbeck
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lui-même
doucement :
    — J’dirai rien... J’dirai rien... J’dirai
rien.
    — Bon, dit George. Et puis, tu
tâcheras aussi d'pas faire des vilaines choses comme t’as fait à Weed.
    Lennie avait l'air étonné :
    — Comme j'ai fait à Weed ?
    — Oh ! t’as donc oublié ça
aussi, hein ? Ben, j’te le rappellerai pas, de peur que tu le fasses
encore.
    Une lueur d'intelligence apparut sur le
visage de Lennie.
    — On nous a chassés de Weed, dit-il
dans une explosion de triomphe.
    — On nous a chassés, j’t'en fous, dit
George avec dégoût. C'est nous qui nous sommes sauvés. On nous a cherchés, mais
on ne nous a pas trouvés.
    Lennie ricana joyeusement.
    — Ça, j’l'ai pas oublié, j’t'assure.
    George s'allongea sur le sable et mit ses
mains sous sa tête, et Lennie l'imita, levant la tête pour voir s'il faisait
bien les choses comme il fallait.
    — Bon Dieu, tu peux dire que t’es
dérangeant, dit George. Si j’t'avais pas à mes trousses, j’pourrais me
débrouiller si bien, et si facilement. J’pourrais avoir une vie si facile, et
avoir une femme, peut-être bien.
    Lennie resta un moment étendu, tranquille ;
puis, il dit, plein d'espoir :
    — On va travailler dans un ranch,
George.
    — Très bien. T’as compris ça. Mais
nous allons dormir ici, parce que j'ai mes raisons.
    Le jour tombait vite maintenant. Seul, le
sommet des monts Gabilan flambait encore aux rayons du soleil qui avait quitté
la vallée. Un serpent ondula dans l'eau, la tête dressée comme un petit
périscope. Les roseaux s'agitaient faiblement au fil du courant. Au loin, vers
la grand-route, un homme cria quelque chose, et un autre homme lui répondit.
Les branches des sycomores frémirent sous une brise légère qui s'éteignit
immédiatement.
    — George, pourquoi qu'on n' va
pas au ranch pour chercher à souper ? On donne à souper dans le ranch.
    George roula sur le côté.
    — Pas la moindre raison pour toi. Moi
je m' plais ici. Demain, on ira travailler. J'ai vu des machines à battre
en venant. Ce qui prouve qu'il faudra charrier des sacs de grains, se faire péter
les boyaux. Cette nuit, j’vais rester ici même, couché sur le dos. J'aime ça.
    Lennie se mit à genoux et regarda George.
    — Alors, on n' va pas
manger ?
    — Si, bien sûr, si tu vas m' chercher
du bois mort. J'ai trois boîtes de haricots dans mon ballot. Prépare le feu. J’te
donnerai une allumette quand t’auras amassé le bois. Ensuite, on fera cuire les
haricots et on dînera.
    Lennie dit :
    — Les haricots, j’les aime avec du
coulis de tomates.
    — Oui, ben on n'en a pas de coulis de
tomates. Va chercher du bois. Et puis, ne va pas vadrouiller. Il va faire noir
dans pas longtemps.
    Lennie se remit debout lourdement et
disparut dans les fourrés. George resta étendu où il était et sifflota
doucement en lui-même. Dans la direction que Lennie avait prise des bruits
d'éclaboussement sortirent de la rivière. George s'arrêta de siffler et écouta.
    — Pauvre bougre, dit-il doucement, et
il se remit à siffler.
    Bientôt Lennie revint à travers les
broussailles. Il ne portait qu'un petit morceau de saule dans la main. George
se mit sur son séant.
    — Ça va, dit-il brusquement,
donne-moi cette souris !
    Lennie se livra à une pantomime d'innocence
compliquée.
    — Quelle souris, George ? J'ai
pas d' souris.
    George tendit la main.
    — Allons, donne-la-moi. Faut pas me
la faire.
    Lennie hésita, recula, jeta un regard
éperdu vers la ligne des fourrés, comme s'il songeait à recouvrer sa liberté en
s'enfuyant. George lui dit froidement :
    — Tu vas me donner cette souris, ou
bien c'est-il que tu veux mon poing sur la gueule ?
    — Te donner quoi, George ?
    — Tu le sais foutre bien. Je veux
cette souris.
    À contrecœur, Lennie chercha dans sa
poche. Sa voix chevrota légèrement.
    — J’sais pas pourquoi j’peux pas la
garder. Elle n'est à personne, cette souris. J’l'ai pas volée. J’l'ai trouvée
morte sur le bord de la route.
    La main de George restait impérieusement
tendue. Lentement, comme un terrier qui ne veut pas rapporter la balle à son
maître, Lennie s'approcha, recula, s'approcha encore. George fit claquer
sèchement ses doigts, et à ce bruit, Lennie lui mit la souris dans la main.
    — J’faisais rien de mal avec elle,
George. J’faisais rien que la caresser.
    George se leva et jeta la souris aussi
loin qu'il put dans l'ombre des fourrés, puis il

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